Fusion entre Heinz et Kraft

Énoncé de position

OTTAWA, le 17 juin 2015 — Le présent énoncé résume la démarche adoptée par le Bureau de la concurrence dans son examen du projet de fusion entre H.J. Heinz Company (Heinz) et Kraft Foods Group (Kraft) conformément à une entente et à un plan de fusion annoncés le 25 mars 2015. Une fois la fusion menée à bien, la nouvelle entreprise combinée sera détenue à hauteur de 51 p. 100 par les actionnaires actuels de Heinz, 3G Special Situations Fund III et Berkshire Hathaway Inc., et à hauteur de 49 p. 100 par les anciens actionnaires de Kraft.

Le 10 juin 2015, le Bureau a envoyé une lettre de non-intervention à Heinz et à Kraft (les parties) indiquant que le commissaire de la concurrence n’a pas l’intention pour le moment de présenter une demande en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence relativement au projet de fusion.

Pour parvenir à ses conclusions dans ce dossier, le Bureau a effectué un examen de la fusion proposée qui comprenait des entrevues avec un large éventail de participants du marché, des consultations avec des responsables de l’antitrust à l’étranger, l’examen des documents internes des parties ainsi que des analyses économétriques des données de l’industrie.

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Contexte

Heinz et Kraft sont deux grandes entreprises d’alimentation et de boissons qui sont actives tant dans le canal du commerce de détail que dans celui de la restauration au Canada. Le canal du commerce de détail de Heinz et Kraft consiste dans les ventes aux supermarchés, aux pharmacies, aux dépanneurs, aux grandes surfaces et aux clubs-entrepôts. Le canal de la restauration de Heinz et Kraft consiste dans les ventes aux restaurants, aux distributeurs d’aliments et à d’autres établissements, comme les écoles et les hôpitaux.

Les principaux produits de Heinz sont le ketchup, les condiments et les sauces, les aliments congelés, les soupes, les repas de fèves et de pâtes alimentaires, les aliments pour bébés et d’autres produits alimentaires. Les principaux segments d’activité de Kraft sont le fromage, les viandes, le beurre d’arachide, les boissons, le café, les repas déshydratés, les repas réfrigérés, les noix de collation et les sauces. Le chevauchement de concurrence entre Heinz et Kraft au Canada se limite à la production et à la fourniture de condiments et de sauces.

Analyse

Plus précisément, les parties se chevauchent pour : les trempettes, la sauce à pizza, les sauces visqueuses (mayonnaise et les sauces à salade solides), la sauce tartare, le sirop de table, la sauce barbecue et les sauces à salade liquides. Pour chacune de ces catégories de produits se chevauchant, le Bureau a établi que :

  • les parties ne sont pas les concurrents réciproques les plus proches, puisqu’elles fabriquent des produits différenciés;
  • la concurrence réelle restante serait suffisante;
  • les obstacles à l’entrée ou à l’expansion sont faibles.

En raison du niveau de concentration plus élevé pour la sauce barbecue et les sauces à salade liquides, le Bureau a effectué une analyse économétrique relativement à ces deux produits. Ainsi, le reste du présent énoncé résumera l’examen fait par le Bureau pour la sauce barbecue et les sauces à salade liquides dans le canal du commerce de détail et le canal de la restauration.

Commerce de détail

Heinz et Kraft vendent toutes les deux des sauces barbecue et des sauces à salade liquides de leur marque au Canada. Kraft vend de la sauce barbecue sous les marques Kraft et Bull’s-Eye; Heinz vend de la sauce barbecue sous la marque Diana. Kraft vend des sauces à salade liquides de longue conservation sous la marque Kraft; Heinz vend des sauces à salade réfrigérées sous la marque Renée’s Gourmet.

Afin d’évaluer le degré de substitution entre les marques des sauces barbecue et des sauces à salade liquides des parties, le Bureau a eu recours à des techniques économétriques pour estimer l’élasticité-prix de la demande et l’élasticité-prix croisée de la demande pour les deux catégories de produits. L’élasticité-prix de la demande permet de mesurer dans quelle mesure les fluctuations du prix d’un produit influent sur la demande de ce produit. L’élasticité-prix croisée entre les deux produits permet de mesurer dans quelle mesure les consommateurs sont prêts à faire une substitution entre ces produits. Le Bureau s’est ensuite servi de ces estimations d’élasticité pour simuler les effets de la fusion proposée. Cette analyse a permis de montrer que les marques des sauces barbecue et des sauces à salade liquides de Heinz et de Kraft sont des produits très différenciés.

Comme principal moyen pour estimer la demande, le Bureau a mis en œuvre un modèle de demande presque idéale (Almost Ideal Demand System), un modèle visant la demande qui est fréquemment utilisé dans le contexte antitrust en raison de sa capacité à saisir avec exactitude les tendances en matière de substitution dans un marchéNote de bas de page 1. Les estimations de la demande faites par le Bureau à l’aide de ce modèle n’ont pas permis d’établir une relation positive au chapitre de l’élasticité-prix croisée entre les marques de sauces à salade liquides Renée’s Gourmet et Kraft, ce qui indique un degré de substitution limité entre les produits des parties. Le Bureau a été en mesure de corroborer cette constatation en examinant les documents internes des parties et en menant des entrevues auprès des participants du marché; il a été démontré que les sauces à salade de longue conservation et réfrigérées plaisent à des consommateurs distincts. La constatation a également été étayée par les prix de vente différents des produits et les endroits différents où on les trouve dans les magasins de détail.

Parallèlement, pour la vente de détail des sauces barbecue, l’estimation de la demande a permis d’établir de faibles élasticités-prix croisées, ce qui indique que le degré de substitution entre les marques des parties n’est pas important. Une simulation de la fusion au moyen de ces estimations de l’élasticité a confirmé que la perte de la faible rivalité qui existe actuellement entre les parties n’entraînera vraisemblablement pas d’effets anticoncurrentiels substantiels. En résumé, les sauces barbecue respectives des parties sont commercialisées auprès de groupes de consommateurs différents, chacun de ces produits ayant un profil de goût, un prix et une utilisation finale distincts. Par ailleurs, le Bureau a déterminé que les obstacles à l’entrée relativement à la production et à la fourniture de la sauce barbecue étaient faibles et qu’il y a eu plusieurs nouveaux venus récemment.

Restauration

La vente de sauce barbecue et de sauces à salade liquides destinées à la restauration est fragmentée, puisqu’il y a plusieurs concurrents réels. Une importance moindre est accordée à la reconnaissance de la marque dans le secteur de la restauration étant donné que la valorisation de la marque n’est pas le plus important dans l’esprit des consommateurs finaux. Ainsi, en plus des concurrents de marque réels, les grands distributeurs ont fait la promotion avec succès de leurs propres marques de distributeur en concurrence directe avec les sauces barbecue et les sauces à salade liquides de marque comme celles fabriquées par Heinz et Kraft.

Il y a eu plusieurs nouveaux venus pour ce qui est de la sauce barbecue dans le canal de la restauration qui pourraient limiter une tentative d’augmentation des prix à la suite de la fusion proposée. Comme dans le canal du commerce de détail, les nouveaux venus sont une indication que les obstacles à l’entrée relativement à la sauce barbecue sont faibles dans le canal de la restauration.

Pour ce qui est des sauces à salade liquides, contrairement au canal du commerce de détail, le consommateur final ignore habituellement si sa sauce à salade est de longue conservation ou réfrigérée. C’est ainsi que le Bureau a déterminé dans le cadre de son examen que la préférence des consommateurs finaux est faible entre les deux et qu’il reste plusieurs concurrents réels dans les deux canaux.

Pour les clients du canal de la restauration, les obstacles au changement de fournisseurs sont faibles, et il existe de nombreux autres fournisseurs vers lesquels ils pourraient se tourner dans le cas d’une baisse du niveau de service ou d’une augmentation substantielle des prix de la part de l’entité fusionnée.

Conclusion

Compte tenu de la différentiation entre les marques des parties, la concurrence réelle restante et les faibles obstacles à l’entrée, le Bureau a conclu que la transaction n’aura vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui a trait à la vente de condiments et de sauces au Canada, que ce soit au détail ou pour la restauration.

Le Bureau de la concurrence, en tant qu’organisme d’application de la loi indépendant, veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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