Mémoire au CRTC, consultation 2016-192 : différenciation de prix par les fournisseurs de services Internet

Le 29 juin 2016

Table des matières

  1. Introduction
  2. Résumé
  3. Les effets économiques de la différenciation de prix
  4. Recours
  5. Réponses aux questions de l’avis de consultation
  6. Questions pour les demandes de renseignements
  7. Conclusion

I. Introduction

  1. Comme cette instance a des répercussions importantes sur les avantages que les consommateurs retirent de la concurrence, le commissaire de la concurrence (« le commissaire ») désire intervenir en offrant des conseils et de l’aide au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« le CRTC ») dans son examen des répercussions que pourrait avoir la différenciation de prix sur la concurrenceFootnote 1.
  2. Ce mémoire est fondé sur de l’information publique, et il est soumis dans le contexte du cadre législatif applicable à cette consultation. Par conséquent, ces observations ne détermineront pas la position du commissaire dans une enquête en cours ou future réalisée en vertu de la Loi sur la concurrence. Le mémoire a plutôt pour but de fournir des conseils et de l’aide au CRTC concernant les questions de concurrence abordées dans cette instance, de même que des recommandations générales quant à un cadre législatif approprié.
  3. Le Bureau de la concurrence (« le Bureau ») ne voit dans les documents publics actuels aucune preuve indiquant que les propriétaires de contenu ont perdu des occasions commerciales en raison de la différenciation de prix. Le risque de préjudice dont il est question dans ce mémoire est basé sur la théorie économique. Le Bureau prend au sérieux le risque de préjudice en matière de concurrence, et il présente ce mémoire pour décrire le risque associé à certains types de différenciation de prix.

II. Résumé

  1. La différenciation de prix peut influer sur les choix fondamentaux que font les consommateurs. Lorsqu’un fournisseur de services Internet (« FSI ») offre un produit à un coût moins élevé que ses concurrents, les consommateurs peuvent être portés à changer de fournisseur pour avoir ce produit. Ce n’est pas toujours une mauvaise chose. En fait, les réductions constituent une stratégie importante que les entreprises utilisent pour rester compétitives.
  2. Toutefois, certains FSI ont des liens commerciaux avec des fournisseurs de contenu. Dans certains cas, les FSI et les fournisseurs de contenu appartiennent au même groupe de sociétés. Dans certaines circonstances, il se peut même que des FSI reçoivent des paiements d’un fournisseur de contenu lorsqu’ils parviennent à convaincre leurs clients de consommer davantage de contenu de ce fournisseur. Ces « affiliations » peuvent être pour les FSI un levier stratégique qui leur donne la capacité d’utiliser la différenciation de prix d’une manière pouvant nuire à la concurrence et les pousse à le faire.
  3. Lorsqu’ils ont accès à ce levier stratégique, les FSI peuvent tirer un avantage financier du fait de présenter sous un jour favorable le contenu du fournisseur affilié et sous un jour moins favorable le contenu de concurrents. L’influence que les FSI exercent peut amener les consommateurs à opter pour le contenu du fournisseur affilié, non pas parce qu’il a une valeur intrinsèque plus élevée, mais parce que le FSI a agi de façon stratégique pour les convaincre que ce contenu a une valeur plus élevée que celle qu’il aurait si les forces du marché avaient pu jouer librement.
  4. Cette façon de faire peut nuire à la concurrence, freine l’innovation et provoquer une hausse des prix à la consommation.
  5. Le CRTC peut invoquer le paragraphe 27(2) et l’article 36 de la Loi sur les télécommunications pour empêcher les FSI d’appliquer des prix différents à tout contenu d’un fournisseur de contenu avec lequel ils sont affiliés. Le commissaire recommande que le CRTC fasse appel à ces outils pour promouvoir la concurrence et assurer aux consommateurs des choix plus étendus.

III. Les effets économiques de la différenciation de prix

Qu’est‑ce que la différenciation de prix?

  1. On parle de différenciation de prix lorsqu’un FSI demande un certain prix à un consommateur qui génère un certain type de trafic Internet et un autre prix à un consommateur qui génère d’autres types de trafic Internet.
  2. La différenciation de prix peut reposer sur la gratuité. La gratuité s’applique lorsqu’un FSI exclut le trafic Internet associé à un service particulier du calcul des données utilisées par le client.
  3. La différenciation de prix suppose qu’il y a au moins deux groupes de services : un « groupe privilégié », auquel on offre un prix inférieur, et un « groupe désavantagé », qui n’a pas droit au même traitement.
  4. L’appréciation du « prix », dans ce contexte, ne doit pas se limiter à l’argent que le consommateur va dépenser pour utiliser un service. Les facteurs non financiers ont aussi de l’importance pour les consommateursFootnote 2. Les facteurs non financiers que nous associons au terme « prix », dans le présent mémoire, comprennent la qualité, le choix, le service, le caractère innovateur et toute autre dimension d’un produit ou d’un service à laquelle les acheteurs accordent de l’importanceFootnote 3.

La différenciation de prix peut nuire à l’économie

  1. En rendant le contenu du groupe privilégié potentiellement moins dispendieux de façon relative, la pratique de prix différenciés peut inciter les clients d’un FSI donné à délaisser le contenu du groupe désavantagé au profit du contenu du groupe privilégiéFootnote 4. Ces comportements peuvent avoir un effet négatif sur la concurrence, puisqu’ils résultent non pas du fait qu’un produit supérieur est offert sur le marché, mais d’une stratégie mise en œuvre par le FSI.
  2. Dans certains contextes commerciaux, un FSI peut recevoir des paiements d’un fournisseur de contenu lorsqu’il parvient à convaincre ses clients de consommer davantage de contenu de ce fournisseur. Dans d’autres cas, les FSI et les fournisseurs de contenu appartiennent au même groupe de sociétés. Dans les deux cas, les FSI ont un incitatif financier à appliquer la différenciation de prix.
  3. Nous appelons ces relations des « affiliations ». Cette expression va au‑delà de la définition courante d’une relation entre un FSI et un propriétaire de contenu appartenant au même groupe de sociétés : elle englobe aussi les situations où un FSI obtient d’un propriétaire de contenu un avantage financier qui est lié à la consommation accrue du contenu de celui‑ci.
  4. D’une part, quand un FSI ne reçoit aucun avantage financier de ce genre, on ne le considère pas comme étant « affilié » au propriétaire de contenu. Lorsqu’un FSI n’est pas affilié à un propriétaire de contenu, la différenciation de prix ne nuit pas à la concurrence et peut même être avantageuse pour les consommateurs. Ce type de différenciation de prix avantage certains et nuit à d’autres, mais tout compte fait, il accroît l’efficacité générale de l’économie.
  5. Par contre, lorsqu’un FSI favorise ses services affiliés, cela peut nuire à la concurrence et porter préjudice aux consommateurs. Dans un tel cas, la différenciation de prix peut avoir deux résultats :
    1. empêcher le lancement d’un nouveau service innovateur;
    2. fausser la concurrence « pour » le marché. Ce type de différenciation de prix avantage certains et nuit à d’autres, mais tout compte fait, il a un effet général négatif, car il nuit à l’économie (perte de poids mort)Footnote 5. Dans ce cas, les consommateurs peuvent être lésés, car ils doivent payer plus cher pour un choix moins large et une innovation réduite.

La différenciation de prix peut empêcher le lancement de nouveaux services innovateurs

  1. Lorsqu’une entreprise doit décider soit de lancer un nouveau service, soit d’étendre un service existant, soit d’innover d’une autre manière dans un marché donné, elle examine à la fois les coûts et le rendement escompté de ces options.
  2. Un FSI qui n’est affilié à aucun fournisseur de contenu n’a pas de raison d’empêcher le lancement de nouveaux produits novateurs. Un contenu plus abondant et de meilleure qualité augmente la valeur des services que le FSI offre aux consommateurs, augmentant ainsi les revenus que le FSI peut s’attendre à tirer de la prestation de ses services. Par exemple, un FSI peut décider de s’associer avec un fournisseur de contenu indépendant de façon à offrir à ses consommateurs des prix moins élevés pour l’accès à ce contenu. Le FSI sera plus intéressant aux yeux des consommateurs, et cette façon de faire est importante pour assurer le bon fonctionnement du marché.
  3. Toutefois, lorsqu’un FSI est affilié à un fournisseur de contenu, il peut avoir intérêt à empêcher d’autres fournisseurs de proposer de nouveaux services, d’étendre les services existants ou d’innover d’une autre façon. En appliquant des prix différenciés, le FSI peut arriver à rendre moins intéressant le contenu des concurrents de son fournisseur de contenu affilié en l’offrant à un prix relativement plus élevé. Par ricochet, cette façon de faire limite le nombre et la qualité des solutions de rechange vers lesquelles les consommateurs peuvent se tourner lorsque le fournisseur de contenu affilié au FSI augmente ses prixFootnote 6Footnote 7. Une augmentation des prix est donc plus probableFootnote 8.
  4. Nous tenons à préciser que le Bureau ne s’oppose pas à tous les types d’intégration verticale. Par exemple, l’intégration verticale peut entraîner une baisse des prix quand elle permet à un FSI de payer le prix coûtant pour accéder à du contenu, plutôt que de payer une marge à un fournisseur de contenu (éliminer la double marginalisation)Footnote 9. L’intégration verticale comporte un risque quand elle permet à un FSI, dans le contexte de ce mémoire, de modifier de manière stratégique le nombre ou la qualité de concurrentsFootnote 10.
  5. Quand cela se produit, les consommateurs peuvent se retrouver devant un choix moins grand, un niveau d’innovation inférieur et des prix plus élevés. Dans cette situation, les prix au consommateur ne sont pas liés au fait que le FSI aurait créé un produit de qualité supérieure; ils représentent plutôt la stratégie utilisée par le FSI pour rendre le produit de son rival moins intéressant en comparaison.
  6. Les répercussions négatives potentielles sur la création de contenus et sur l’innovation peuvent être importantes dans les situations où un petit nombre de distributeurs desservent une vaste proportion de Canadiens. Ainsi, il suffirait qu’un ou deux grands FSI canadiens décident d’adopter une politique de prix différenciés pour que les créateurs de contenu non affiliés voient fondre les incitatifs au lancement d’un nouveau produit, à l’expansion des produits existants ou à d’autres formes d'innovation.

La différenciation de prix peut fausser la concurrence « pour » le marché

  1. La capacité des fournisseurs de contenu d’attirer des utilisateurs et de stimuler la demande est un cercle vertueux. Par exemple, lorsque deux personnes ou plus jouent à un même jeu vidéo, elles ont du plaisir non seulement à jouer, mais aussi à discuter des stratégies et à échanger des informations avec d’autres joueurs. Dans cette situation, l’attrait du contenu augmente lorsque d’autres personnes le consomment aussi, de façon que, lorsque les abonnés d’un service donné sont nombreux, les autres consommateurs sont plus susceptibles de s’y abonner eux aussi. En économie, cet effet est appelé un « effet de réseauFootnote 11 ».
  2. L’évolution de la concurrence dans les secteurs où l’on trouve des effets de réseau est souvent caractérisée par une période au cours de laquelle un certain nombre de concurrents s’efforcent de trouver des abonnés. Chaque fois qu’un client s’abonne, la valeur de leur réseau augmente. Après un certain temps, on arrive à un « point de basculement » où il devient évident pour tout le monde qu’un produit a pris une avance insurmontable et qu’il arrivera premierFootnote 12. Ce produit devient alors la norme, tout comme Microsoft Word est aujourd’hui la norme pour le traitement de texteFootnote 13.
  3. Même dans les économies de réseau où aucun « gagnant » ne peut se démarquer spécialement, les concurrents d’un produit qui s’est constitué un réseau important peuvent ne pas être bien en mesure de contenir le produit phare. Par exemple, même s’il existe différents logiciels de traitement de texte, peu de consommateurs ou d’entreprises sont portés à renoncer à Microsoft Word.
  4. En favorisant le contenu de ses affiliés, un FSI pourrait augmenter les effets de réseau de ce contenu en amenant les consommateurs à s’y intéresser. Cela pourrait faire du tort au contenu d’un rival, qui pourrait voir ses effets de réseau diminuer ou disparaître, ce qui en ferait un concurrent moins redoutable pour le contenu des affiliés du FSI.
  5. Dans des cas extrêmes, la différenciation de prix peut faire en sorte que le « point de basculement » aille dans la « mauvaise » direction et qu’un contenu dont la valeur intrinsèque est inférieure « l’emporte », contrairement à ce que les forces du marché auraient laissé prévoir.
  6. Lorsque l’un de ces effets se produit, le contenu des fournisseurs non affiliés au FSI perd à tout le moins une partie de son attrait pour les consommateurs, et cela tient non pas à un manque de valeur, mais au fait qu’un FSI l’a présenté stratégiquement sous un jour moins favorable.
  7. Lorsqu’un produit voit son réseau s’éroder en raison d’une différenciation de prix, il se peut qu’il ne puisse plus jouer aussi efficacement son rôle d’exercer une concurrence vigoureuse sur le marché. Avec une concurrence ainsi limitée, les consommateurs pourraient devoir faire face à des prix plus élevés, à un choix moins large et à un niveau d’innovation réduit.

La différenciation de prix ne nuit pas à la concurrence, sauf lorsqu’un fournisseur de contenu est affilié

  1. La différenciation de prix ne soulève aucune préoccupation lorsque le contenu du groupe privilégié n’est pas affilié au FSI. Dans un tel cas, si le FSI choisit d’appliquer une différenciation de prix, c’est seulement pour être plus compétitif face à ses concurrents. Comme le contenu du groupe privilégié n’est pas affilié au FSI, ce dernier ne peut retirer aucun avantage financier des effets éventuels de la différenciation de prix sur les créateurs de contenu. Les FSI non affiliés ne proposeraient pas une différenciation de prix s’il n’y a pas une autre raison de le faire (p. ex. pour renforcer leur compétitivité).
  2. La différenciation de prix qui ne nuit pas à la concurrence est avantageuse pour certains et nuisible pour d’autres, mais, tout bien considéré, elle augmente l’efficience globale de l’économie. La différenciation de prix qui a des effets négatifs sur la concurrence est avantageuse pour certains et nuisible pour d’autres, mais, tout bien considéré, elle a un effet négatif global parce qu’elle cause du tort à l’économie (en raison de la perte de poids mort).

Comment mesurer les effets de la différenciation de prix

  1. La théorie économique énoncée ci dessus est fondée sur un concept économique qu’on appelle la « forclusion du client »Footnote 14. La théorie suppose que le FSI présente le contenu du groupe privilégié sous un jour favorable pour inciter les clients à délaisser le contenu du groupe désavantagé.
  2. Baker (2011) établit la méthode maintenant devenue la norme qui consiste à déterminer quantitativement si un FSI peut être financièrement encouragé à participer à ce type de forclusionFootnote 15. Cette analyse porte sur deux effets de la différenciation de prix :
    1. Les coûts pour le FSI associés au fait que le client quitte son service;
    2. Les avantages que retire le FSI lorsque les clients modifient leur consommation pour consommer du contenu affilié du FSI.
  3. Le commissaire recommande que le CRTC tienne compte de ces facteurs lors de son examen. En particulier quand vient le temps de conceptualiser les avantages que retire le SFI des clients qui modifient leur consommation pour consommer du contenu affilié du FSI, il pourrait être important de déterminer :
    1. les avantages financiers pour le FSI par client (ou unité de consommation);
    2. le nombre de clients (ou unités de consommation) qui modifieront leur consommation afin de consommer du contenu du groupe privilégié en raison de la différenciation de prixFootnote 16.
    Plus ces deux facteurs sont importants, plus il est probable que le FSI appliquera ce type de différenciation de prix.

La différenciation de prix peut contrevenir à la Loi sur les télécommunications

  1. Le CRTC peut s’appuyer sur le paragraphe 27(2) et l’article 36 de la Loi sur les télécommunications pour contrer les préjudices associés aux des pratiques de différenciation de prix utilisées par des FSI qui favorisent le contenu de leurs affiliés.
  2. Une différenciation de prix qui nuit à la concurrence peut constituer une discrimination injuste ou une préférence indue aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications.
  3. La différenciation de prix est, par définition, discriminatoire ou préférentielle. Cette pratique, quelle qu’en soit la forme, favorise un groupe de créateurs de contenu aux dépens d’un autre.
  4. Cette discrimination ou cette préférence peut être qualifiée d’injuste ou d’indue lorsqu’elle est contraire à l’intérêt publicFootnote 17. L’application de prix différenciés au contenu affilié répond à ce critère, puisque le consommateur ne fait pas son choix parce que le FSI ou le créateur affilié offrent un produit de qualité supérieure; il fait plutôt son choix parce que le FSI a stratégiquement diminué l’attrait relatif du produit de son rival. Le FSI tire parti de sa position sur le marché au détriment du contenu du groupe désavantagé plutôt qu’en laissant les forces du marché déterminer quelles formes de contenu seront choisies par les consommateurs.
  5. L’intérêt du public en la matière est d’ailleurs très bien résumé dans la Politique canadienne de télécommunications, énoncée à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications. Les tarifs différentiels qui nuisent à la concurrence peuvent contrevenir à plusieurs dispositions de l’article 7 et peuvent être interdits en application de ces dispositionsFootnote 18. Voyons en particulier les points suivants :
    1. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7b) de la Loi sur les télécommunications, une différenciation de prix appliquée à un contenu affilié fait en sorte que les consommateurs doivent payer des prix plus élevés. Des prix plus élevés peuvent constituer un fardeau financier plus important pour qui veut accéder au service Internet ou à un contenu, mais ils peuvent aussi avoir une incidence sur la qualité, la diversité et le niveau de service associé à ces services ou à ce contenu.
    2. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7c) de la Loi sur les télécommunications, lorsque des tarifs différentiels nuisent à la concurrence, le paysage des télécommunications du Canada est moins efficient. Tout le monde sait que des marchés concurrentiels maximisent l’efficience économique. Dans le domaine des télécommunications, l’atteinte d’une efficience économique est essentielle, étant donné le rôle des services de télécommunications en tant qu’intrant de nombreux autres secteurs, et étant donné les effets d’entraînement négatifs possibles. Par exemple, lorsqu’une pratique donnée entraîne une hausse du prix de l’accès au service Internet que doit payer une petite entreprise, cette dernière devra soit absorber cette augmentation, soit la transférer à ses consommateurs, ce qui peut entraîner une perte d’efficience économique supplémentaire.
    3. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7g) de la Loi sur les télécommunications, des tarifs préférentiels peuvent nuire à l’innovation. La concurrence est un moteur clé de l'innovation, qui à son tour favorise la productivité, l'efficience et la croissance économique. Et pour les consommateurs, l'innovation apporte davantage de choix et des produits et services de meilleure qualité, vendus sur un marché dynamique.
  6. Un FSI qui utilise stratégiquement sa position de distributeur sur le marché pour influencer de manière importante la position sur le marché d’un contenu affilié pourrait aussi être en violation de l’article 36 de la Loi sur les télécommunications. S’il agit ainsi, un FSI pourrait se trouver à régir le contenu ou à influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’il achemine pour le public.
  7. Lorsqu’un FSI agit ainsi, il pourrait se trouver à orienter stratégiquement les consommateurs vers le contenu du groupe privilégié et les éloigne du contenu du groupe désavantagé. Dans un tel cas, ce sont les actes du FSI plutôt que les forces du marché qui influencent le sens ou l’objet du contenu; ce changement est dû non pas à la création d’un produit de qualité supérieure, mais plutôt au fait que le FSI a stratégiquement réduit l’attrait relatif du produit de son rival.
  8. Toutefois, en l’absence de liens commerciaux entre le FSI et son contenu affilié, les forces du marché peuvent jouer et désigner les gagnants et les perdants. Dans un tel cas, c’est le marché plutôt que le FSI qui influence le sens ou l’objet des télécommunications.
  9. Le risque qu’une entreprise de télécommunications abuse de sa position sur le marché est justement la préoccupation qui sous‑tend l’article 36 de la Loi sur les télécommunications. Cette disposition s’est ajoutée lorsque Bell a voulu, en 1967, étendre ses pouvoirs au‑delà des services de téléphonie pour investir plus largement le secteur des télécommunicationsFootnote 19. Le directeur des enquêtes et de la recherche, nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (poste qui a été remplacé par celui du commissaire de la concurrence en application de la Loi sur la concurrence), avait fait une mise en garde, disant que, avec des pouvoirs plus étendus, Bell pourrait utiliser de manière abusive sa position plus étendue sur le marchéFootnote 20. Le projet de loi qui accordait davantage de pouvoirs à Bell a par la suite été modifié afin d’interdire que quiconque régisse le contenu ou influence le sens ou l’objet des messagesFootnote 21. Au moment de la création de cette modification, le président du Comité de la Chambre des communes a souligné que c’était le directeur des enquêtes et de la recherche qui avait fait cette mise en garde, qui se retrouve aujourd’hui à l’article 36 de la Loi sur les télécommunicationsFootnote 22.
  10. La position défendue ici par le commissaire est en outre conforme avec des décisions antérieures rendues en application de l’article 36 et de ses versions antérieures. Ces décisions se résument ainsi :
    1. une entreprise de télécommunications canadienne n’est pas autorisée à s’engager dans la publication électronique qui supposerait le contrôle rédactionnel du contenu, ni dans la création ou la distribution de ses propres bases de donnéesFootnote 23;
    2. une entreprise de télécommunications canadienne n’est pas autorisée à fournir une version électronique du répertoire des Pages JaunesFootnote 24;
    3. les entreprises canadiennes sont autorisées à participer au contenu de leurs propres services InternetFootnote 25; et
    4. la dégradation perceptible du trafic exigeant une livraison rapide qui serait causée par les pratiques de gestion du trafic sur Internet et qui reviendrait à régir ou à influencer le contenu des télécommunications aux fins d’application de l’article 36 de la Loi sur les télécommunicationsFootnote 26.

IV. Recours

  1. Le CRTC devrait envisager d’établir un cadre de réglementation qui interdit la différenciation de prix nuisant à la concurrence.
  2. Les tarifs différentiels peuvent nuire à la concurrence — et au bien‑être économique global — lorsqu’un FSI augmente l’attrait d’un service affilié ou réduit l’attrait d’un service qui ne lui est pas affilié. La norme à retenir pour réglementer les tarifs différentiels devrait être axée sur l’effet de telle pratique sur la concurrenceFootnote 27.
  3. Dans ce contexte, le contenu est « affilié à » un FSI chaque fois que le FSI retire un avantage financier du propriétaire de ce contenu pour avoir augmenté l’utilisation de ce contenu. Cela va au‑delà de la description ordinaire des liens commerciaux entre un FSI et un propriétaire de contenu et englobe également tous les cas où un FSI obtient un avantage financier d’un propriétaire de contenu pour avoir fait augmenter l’utilisation de son contenu.
  4. Le fait d’interdire l’application par les FSI de tarifs différentiels au contenu affilié constitue un recours possible en cas de préjudice économique sous‑jacent, et, à ce titre, le recours repose sur les forces du marché dans la plus grande mesure possibleFootnote 28.
  5. Dans le cas où un FSI se contente de promouvoir un service, sans retirer un avantage financier du propriétaire de ce service qui serait relié à la promotion, on ne peut pas considérer que le FSI est « affilié au » propriétaire du contenu.
  6. Dans le mémoire du Bureau, tout cadre de réglementation devrait englober tous les aspects de l’offre d’un FSI qui a de la valeur pour les consommateursFootnote 29. Ce cadre doit porter sur toutes formes de facturation différentielle que peut utiliser un FSI, mais aussi sur les facteurs non tarifaires que le FSI contrôle, par exemple la qualité des services. Un cadre de réglementation qui ne tiendrait pas compte de ces aspects pourrait être lacunaire et permettre de nuire à la concurrence.
  7. Nonobstant ce qui précède, dans les cas où il existe d’autres objectifs stratégiques légitimes, par exemple celui de diffuser des alertes Amber gratuitement, le CRTC devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et compenser tout effet négatif sur la concurrence par des effets favorables à l’intérêt public.
  8. En outre, dans le mémoire du Bureau, lorsque les tarifs différentiels n’ont pas d’incidence sur la concurrence, la pratique ne devrait pas être interdite. Cette pratique entre généralement dans l’une des deux catégories suivantes :
    1. Premièrement, des tarifs différentiels qui ne favorisent pas le contenu affilié constituent une forme de concurrence légitime qu’il ne convient pas d’interdire. Lorsqu’un FSI favorise un contenu non affilié, il le fait dans le but d’améliorer son offre concurrentielle pour inciter les consommateurs à s’abonner à ses services Internet plutôt qu’à ceux du concurrent. C’est le jeu de la concurrence.
    2. Deuxièmement, les autres types de différenciation de prix qui n’ont pas d’incidence sur la concurrence devraient être permis. Par exemple, des applications gratuites, grâce auxquelles les consommateurs peuvent contrôler leur consommation de données, ne posent problème que si un FSI la propose dans le but de favoriser les applications affiliées plutôt que celle d’une tierce partie. De même, les services gratuits offerts pendant une période de l’année particulière sont également peu susceptibles de nuire à la concurrence, sauf s’ils confèrent d’une façon ou d’une autre un avantage au contenu affilié.
  9. L’interdiction de l’application de tarifs différentiels à du contenu non affilié pourrait supprimer un mécanisme concurrentiel que les FSI peuvent utiliser, et cette interdiction serait donc trop large selon le mémoire du Bureau. Cette interdiction réduirait l’éventail des mécanismes grâce auxquels les entreprises peuvent faire concurrence, ce qui pourrait provoquer une hausse des prix, une diminution de la gamme de choix et une réduction de l’innovation.

V. Réponses aux questions de l’avis de consultation

  1. Dans son Avis de consultation de télécom 2016‑192, le CRTC a formulé 15 questions précises touchant le traitement des tarifs différentielsFootnote 30. Les réponses du Bureau figurent à l’annexe A du présent mémoire.

VI. Questions pour les demandes de renseignements

  1. Dans l’Avis de consultation de télécom 2016‑192‑1, le CRTC a prévu que les parties à la consultation « peuvent proposer des questions à inclure aux demandes de renseignements que le Conseil enverra aux partiesFootnote 31 ». En conséquence, le Bureau demande que les questions énoncées à l’annexe B soient incluses dans les demandes de renseignements du CRTC.

VII. Conclusion

  1. Aux fins de l’instance, la représentante désignée du commissaire est :

    Vicky Eatrides
    Sous‑commissaire de la concurrence, Direction générale de la promotion de la concurrence
    Bureau de la concurrence
    50, rue Victoria, 21e étage
    Gatineau (Québec) K1A 0C9
  2. Le Bureau n’a pas l’intention de participer aux audiences publiques, mais il est prêt à comparaître si le CRTC le demande.

Annexe A : Réponses aux questions dans l’avis de consultation

Q.1 : Quels types de pratiques de tarification constituent des pratiques de différenciation de prix aux fins de l’élaboration d’un cadre réglementaire qui régit de telles pratiques?

  1. Le cadre réglementaire ne devrait pas être fondé uniquement sur les « pratiques de facturation », ce serait trop limité. Le cadre réglementaire devrait tenir compte à la fois du prix et d’autres aspects de la conduite des FSIFootnote 32.
  2. Toute pratique qui diminue l’attrait d’un service aux yeux d’un client peut constituer une pratique de différenciation de prix. Un FSI peut, par exemple, appliquer une différenciation de prix sans apporter de changements visibles sur la facture du client. L’une des façons de procéder serait qu’un FSI ralentisse l’accès à une application concurrente afin de favoriser une application affiliéeFootnote 33. Une telle pratique pourrait avoir le même effet ou un effet semblable sur la concurrence que des pratiques de facturation différentielle et, par conséquent, causer du tort à l’économie.
  3. Tout cadre réglementaire devrait englober tous les aspects de l’offre d’un FSI que les consommateurs valorisentFootnote 34. Le cadre devrait aborder toutes les formes de facturation différentielle des FSI, mais tenir compte aussi des facteurs non financiers que contrôlent les FSI, comme la qualité des services. Autrement, le cadre réglementaire pourrait contenir des lacunes qui permettraient de nuire à la concurrence.

Q.2 : Dans quelle mesure ces pratiques existent elles sur le marché canadien des services d’accès Internet? Fournissez des exemples précis.

  1. Le Bureau connaît deux exemples généraux de différenciation de prix sur les marchés des services d’accès Internet du Canada :
    1. Le service Musique illimitée de Vidéotron, dans lequel Vidéotron exclut le trafic associé à l’utilisation de certains services de diffusion audio en continu du calcul aux fins de la limite d’utilisation de données de ses « clients », mais n’offre aucune exemption semblable pour les services concurrents (p. ex. les stations de radio en continu)Footnote 35.
    2. Les services Cravetv de Bell, shomi de Rogers et Shaw ainsi que Club illico de Vidéotron, pour lesquels certains FSI excluent le trafic associé à l’utilisation de ces produits du calcul aux fins de la limite d’utilisation de données de ses consommateurs, n’offrent aucune exemption semblable pour les services concurrents (p. ex. Netflix)Footnote 36Footnote 37.

Q.3 : Y a‑t‑il des pratiques de différenciation de prix relatives à l’accès Internet qui ne soulèveraient pas de préoccupations en matière de réglementation (par exemple, les applications qui permettent aux consommateurs de surveiller leur utilisation de données qui ne comptent peut être pas dans un forfait de données, ou des forfaits illimités d’utilisation de données durant une période particulière)? Dans l’affirmative, veuillez expliquer.

  1. Si la différenciation de prix ne touche pas la concurrence, la pratique ne devrait pas être interdite. Cette pratique entre généralement dans l’une des deux catégories suivantes :
    1. Premièrement, des tarifs différentiels qui ne favorisent pas le contenu affilié constituent une forme de concurrence légitime qu’il ne convient pas d’interdire. Lorsqu’un FSI favorise un contenu non affilié, il le fait dans le but d’améliorer son offre concurrentielle pour inciter les consommateurs à s’abonner à ses services Internet plutôt qu’à ceux du concurrent. C’est le jeu de la concurrence.
    2. Deuxièmement, les autres types de différenciation de prix qui n’ont pas d’incidence sur la concurrence devraient être permis. Par exemple, des applications gratuites, grâce auxquelles les consommateurs peuvent contrôler leur consommation de données, ne posent problème que si un FSI la propose dans le but de favoriser les applications affiliées plutôt que celle d’une tierce partie. De même, les services gratuits offerts pendant une période de l’année particulière sont également peu susceptibles de nuire à la concurrence, sauf s’ils confèrent d’une façon ou d’une autre un avantage au contenu affilié.
  2. Le fait d’interdire la tarification différentielle de contenu non affilié enlèverait une option concurrentielle aux FSI, et aurait donc une portée excessive, de l’avis du Bureau. Cette interdiction réduirait l’éventail des mécanismes grâce auxquels les entreprises peuvent faire concurrence, ce qui pourrait provoquer une hausse des prix, une diminution de la gamme de choix et une réduction de l’innovation.

Q.4 : Quels sont les avantages potentiels pour les consommateurs, les fournisseurs d’application et les FSI de certaines ou de toutes les pratiques de différenciation de prix pour l’accès Internet?

  1. Les pratiques de différenciation de prix offrent divers avantages à divers participants de l’industrie. L’ampleur de ces avantages, par rapport au préjudice porté aux autres, tient au fait que les pratiques différentielles nuisent à la concurrence ou nonFootnote 38.
  2. 66. Dans certains cas, des consommateurs peuvent payer moins cher l’accès au contenu du groupe privilégié. Par exemple, en l’absence de gratuité, le client se verra imposer une limite d’utilisation de données. Cette contrainte est éliminée par la gratuité. Qui plus est, les consommateurs peuvent bénéficier de tarifs préférentiels pour le contenu du groupe privilégié lorsque le fournisseur de contenu demande un prix plus bas aux consommateurs de son FSI affilié.
  3. Dans d’autres régimes de différenciation de prix, comme la conduite qui consiste à dégrader la qualité ou la vitesse du contenu du groupe désavantagé, il se peut que les consommateurs ne profitent pas du tout de la différenciation de prix. Dans cet exemple, ce n’est pas que les consommateurs n’ont pas accès au contenu du groupe privilégié selon de meilleures conditions : c’est seulement qu’ils n’accèdent pas au contenu du groupe désavantagé selon les mêmes conditions que pour le contenu du groupe privilégié.
  4. Les fournisseurs d’application du groupe favorisé sont avantagés de deux manières :
    1. Premièrement, si des pratiques de différenciation de prix nuisent à la concurrence, les fournisseurs d’application (p. ex. les propriétaires de contenu) peuvent être en mesure d’exiger des prix plus élevés parce qu’ils sont isolés des forces de la concurrence et de l’innovation. Par exemple, si la différenciation de prix accroît la valeur relative du contenu, les fournisseurs d’application pourraient donc souhaiter augmenter leur prix afin de refléter cette valeur additionnelle.
    2. Deuxièmement, les fournisseurs d’application du groupe privilégié pourraient accroître leur économie de réseau en servant un plus grand nombre de consommateurs. En d’autres mots, lorsqu’un plus grand nombre de gens regardent ou écoutent les mêmes émissions, ces émissions peuvent devenir relativement plus intéressantes pour les consommateursFootnote 39. Ces effets de réseau accrus peuvent représenter une valeur supplémentaire associée aux produits des fournisseurs d’application.
  5. Certains FSI peuvent tirer profit de deux sources :
    1. Premièrement, un FSI peut toucher des revenus accrus lorsqu’un fournisseur du groupe privilégié paie le FSI pour qu’il augmente le trafic vers lui grâce à la différenciation de prix. Par exemple, un FSI peut conclure une entente selon laquelle un fournisseur de diffusion audio en continu paie des frais au FSI pour chaque heure supplémentaire au cours de laquelle des consommateurs du FSI utilisent un service de diffusion audio en continu. Cela peut accroître les revenus du FSI.
    2. Deuxièmement, si la différenciation de prix nuit à la concurrence, un FSI peut tirer profit d’une concurrence horizontale affaiblie sur le marché des services d’accès Internet. Par exemple, si un FSI offre du contenu populaire à des prix relativement plus bas que ceux d’autres FSI, certains consommateurs pourraient alors changer leur abonnement à l’accès Internet pour celui de ce FSI. Autrement, le FSI peut utiliser la différenciation de prix de contenu non affilié pour attirer davantage de consommateurs ayant un accès Internet. Ces exemples peuvent entraîner une augmentation des profits pour le FSI.

Q.5 : Quels sont les risques potentiels pour les consommateurs, les fournisseurs d’application et les FSI associés à certaines ou à toutes les pratiques de différenciation de prix pour l’accès Internet?

  1. Les risques potentiels liés à la différenciation de prix peuvent être moins évidents. Il y a toutefois, des risques réels qui peuvent accompagner les pratiques de différenciation de prix. L’ampleur de ces risques par rapport aux avantages pour les autres dépend du fait que les pratiques différentielles nuisent à la concurrence ou nonFootnote 40.
  2. Des consommateurs paient un prix relativement plus élevé pour avoir accès au contenu du groupe désavantagé. Par exemple, l’accès au contenu du groupe désavantagé peut coûter relativement plus cher par rapport à la limite d’utilisation de données d’un client que le contenu du groupe privilégié. Autrement, les consommateurs peuvent recevoir du contenu du groupe désavantagé à une qualité inférieure, à une vitesse plus lente ou à un prix relativement plus élevé par rapport au contenu du groupe privilégié.
  3. Si la différenciation de prix nuit à la concurrence, le prix relativement plus élevé du contenu du groupe désavantagé peut également amener les consommateurs à opter pour un produit qui a moins de valeur pour eux ou à quitter le marché complètement. Ces deux effets peuvent nuire à l’économie (p. ex. perte de poids mort).
  4. Les consommateurs peuvent aussi être privés des avantages liés à la concurrence et à l’innovation. Lorsque la consommation de contenu du groupe désavantagé coûte plus cher, moins de consommateurs peuvent en consommer. Il peut devenir moins lucratif pour les fournisseurs du groupe désavantagé de servir le marché, et cela peut même amener certains fournisseurs à se retirer complètement du marché. Cela peut aussi signifier que de nouveaux fournisseurs de contenu ne lanceront pas un produit du tout, ce qui peut nuire à l’innovation, diminuer le choix offert au client et même entraîner une hausse des prix pour les consommateurs.
  5. Les fournisseurs d’application du groupe désavantagé peuvent se voir refuser l’accès aux consommateurs. Cela peut se traduire par deux effets.
    1. D’abord, les fournisseurs d’application du groupe désavantagé peuvent être moins susceptibles de lancer un nouveau produit ou d’étendre la portée de leurs services pour les consommateurs au Canada. Par exemple, un fournisseur peut espérer lancer un nouveau produit ou étendre la portée de ses services au Canada, mais avoir des difficultés à y arriver si la différenciation de prix a augmenté la valeur du contenu du groupe privilégié à un point tel que le nombre de consommateurs qui changent pour un nouveau venu ne sera pas suffisant pour lancer un nouveau service, étendre la portée d’un service existant ou d’innover autrement de façon viable. Cela peut entraîner une diminution des profits pour ces fournisseurs d’application, en comparaison d’une situation où il n’y a aucune différenciation de prix.
    2. Deuxièmement, les fournisseurs d’application du groupe désavantagé peuvent perdre des économies de réseau, ce qui peut rendre leur contenu moins intéressant pour les consommateurs. Cela peut se traduire par une diminution des profits si les consommateurs passent à des services concurrents ou s’ils ne sont plus prêts à continuer de consommer le contenu du groupe désavantagé au même prix que ce qu’ils payaient avant la différenciation de prix.
  6. Certains FSI peuvent perdre des profits en devenant des concurrents moins attrayants face aux FSI qui adoptent des pratiques de différenciation de prix. Par exemple, même dans une situation où un FSI concurrent montre une préférence pour un contenu non affilié, tous les autres FSI doivent trouver une nouvelle façon d’offrir une valeur additionnelle à leurs consommateurs, sans quoi ils risquent de perdre ces consommateurs au profit du FSI concurrent.

Q.6 : De quelle manière les avantages et les risques mentionnés plus haut devraient ils être pondérés, et comment pourraient ils aider à déterminer si une pratique de différenciation de prix de l’accès Internet particulière contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi?

  1. Un avantage pour un ISP, ou un coût pour un consommateur, ne peut être envisagé dans l’isolement. Une analyse intégrée de ces avantages et coûts doit être effectuée. La différenciation de prix qui ne nuit pas à la concurrence est avantageuse pour certains et nuisible pour d’autres, mais, tout bien considéré, elle augmente l’efficience globale de l’économie. La différenciation de prix qui a des effets négatifs sur la concurrence est avantageuse pour certains et nuisible pour d’autres, mais, tout bien considéré, elle a un effet négatif global parce qu’elle cause du tort à l’économie (en raison de la perte de poids mort)Footnote 41.
  2. Un principe directeur dans tout cadre réglementaire relatif à la tarification différentielle devrait, de l’avis du Bureau, être l’effet de la conduite en question sur la concurrence. Une pratique de différenciation de prix qui touche négativement la concurrence devrait être interdite en tant que discrimination injuste ou préférence indue conformément au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications.
  3. La différenciation de prix est, par définition, discriminatoire ou préférentielle. Cette pratique, quelle qu’en soit la forme, favorise un groupe de créateurs de contenu aux dépens d’un autre.
  4. Cette discrimination ou cette préférence peut être qualifiée d’indue ou d’injuste lorsqu’elle va à l’encontre de l’intérêt publicFootnote 42. La différenciation de prix d’un contenu affilié satisfait à ce critère, car elle a une incidence sur le choix du client, non pas en raison de la création d’un produit de qualité supérieure par un FSI ou son affilié, mais plutôt parce que le FSI a réduit stratégiquement l’attrait relatif du produit de son rival. Le FSI tire parti de sa position sur le marché au détriment du contenu du groupe désavantagé plutôt qu’en laissant les forces du marché déterminer quelles formes de contenu seront choisies par les consommateurs.
  5. L’intérêt du public en la matière est d’ailleurs très bien résumé dans la Politique canadienne de télécommunications, énoncée à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications. La différenciation de prix qui nuit à la concurrence peut ne pas être conforme à plusieurs dispositions de l’article 7 et peut être interdite en application de ces dispositionsFootnote 43. Voyons en particulier les points suivants :
    1. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7b) de la Loi sur les télécommunications, une différenciation de prix appliquée à un contenu affilié fait en sorte que les consommateurs doivent payer des prix plus élevés. Des prix plus élevés peuvent constituer un fardeau financier plus important pour qui veut accéder au service Internet ou à un contenu, mais ils ont également une incidence sur la qualité, la diversité et le niveau de service associé à ces services ou à ce contenu.
    2. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7c) de la Loi sur les télécommunications, lorsque des tarifs différentiels nuisent à la concurrence, le paysage des télécommunications du Canada est moins efficient. Tout le monde sait que des marchés concurrentiels maximisent l’efficience économique. Dans le domaine des télécommunications, l’atteinte d’une efficience économique est essentielle, étant donné le rôle des services de télécommunications en tant qu’intrant de nombreux autres secteurs, étant donné aussi les effets d’entraînement négatifs possibles. Par exemple, lorsqu’une pratique donnée entraîne une hausse du prix de l’accès au service Internet que doit payer une petite entreprise, cette dernière devra soit absorber cette augmentation, soit la transférer à ses consommateurs, ce qui entraîne une perte d’efficience économique supplémentaire.
    3. Contrairement à ce que prévoit l’alinéa 7g) de la Loi sur les télécommunications, des tarifs différentiels peuvent nuire à l’innovation. La concurrence est vitale pour l'innovation, qui à son tour favorise la productivité, l'efficience et la croissance économique. Et pour les consommateurs, l'innovation apporte davantage de choix et des produits et services de meilleure qualité, vendus sur un marché dynamique.

Q.7 : Dans quelle mesure les pratiques de différenciation de prix procurent‑elles aux FSI la capacité d’agir à titre de « contrôleurs d’accès » capable de déterminer les applications Internet auxquelles les consommateurs sont plus susceptibles d’accéder que d’autres, et d’avoir une influence à cet égard; le cas échéant, expliquez en quoi c’est approprié.

  1. Les pratiques de différenciation de prix peuvent permettre aux FSI de déterminer à quelles applications Internet les consommateurs sont plus susceptibles d’accéder et d’avoir une influence à cet égard.
  2. Il peut s’agir d’un rôle inapproprié pour un FSI si cela nuit à la concurrence. La différenciation de prix peut nuire à la concurrence lorsqu’un FSI emploie une pratique de différenciation de prix pour favoriser du contenu affilié. Cela peut augmenter artificiellement l’attrait du contenu du groupe privilégié et peut diminuer tout effet de réseau présent dans le contenu du groupe désavantagé.
  3. Toutefois, lorsqu’un FSI a recours à la différenciation de prix pour favoriser un contenu non affilié, la concurrence peut alors être permise, au lieu d’être touchée de manière négative. Dans ce cas‑là, l’activité de réduction du prix en télécommunication est la même que celle dans d’autres sphères de l’économie; le FSI cherche à en faire la promotion dans le but d’attirer des clients et de concurrencer efficacement ses rivaux.

Q.8 : Est‑ce que les pratiques de différenciation de prix sont des exemples de l’action normale des forces du marché, ou s’agit‑il d’exemples de comportement anticoncurrentiel?

  1. Quand des FSI ont recours à la différenciation de prix pour promouvoir du contenu non affilié, il peut s’agir d’un exemple de situation où les forces du marché fonctionnent comme elles le devraient. Dans ce cas‑là, les FSI peuvent accroître l’attrait de leur offre aux consommateurs et faire concurrence en fonction d’un éventail de facteurs.
  2. Toutefois, quand des FSI ont recours à la différenciation de prix pour promouvoir du contenu affilié, cela peut avoir des effets négatifs sur la concurrence et, au bout du compte, sur le bien être économique. La tarification différentielle touchant du contenu affilié peut réduire stratégiquement l’attrait du contenu du rival.

Q.9 : Les FSI sont ils suffisamment transparents en ce qui concerne l’information qu’ils fournissent aux consommateurs à propos des pratiques de différenciation de prix pour l’accès Internet qu’ils emploient? Dans quelle mesure les consommateurs sont ils au courant des conséquences de ces pratiques?

  1. La divulgation complète des pratiques de différenciation de prix n’est pas le remède au préjudice que peuvent causer ces pratiques. Dans des circonstances où la différenciation de prix a une incidence sur la valeur perçue du contenu du groupe désavantagé, même une transparence totale concernant les pratiques de tarification des FSI ne peut changer cette perception, et les consommateurs peuvent réagir aux prix différenciés sans égard à la divulgation.
  2. Le Bureau n’est généralement pas au courant de :
    1. la façon dont les FSI commercialisent et divulguent les pratiques de différenciation de prix, ou de
    2. la façon dont les consommateurs sont informés des conséquences des pratiques de différenciation de prix.

Q.10 : Dans quelle mesure les pratiques de différenciation de prix de l’accès Internet s’inscrivent elles dans la portée de l’article 36 de la Loi? Si de telles pratiques sont visées par l’article 36 de la Loi, quelles considérations devraient orienter l’évaluation de la Commission en vue de déterminer s’il faut approuver ces pratiques en vertu de cet article?

  1. Il peut également être contraire à ce que prévoit l’article 36 de la Loi sur les télécommunications pour un FSI d’utiliser stratégiquement sa position de distributeur sur le marché pour influencer de façon importante sur la position sur le marché d’un contenu affilié. S’il agit ainsi, un FSI peut se trouver à régir le contenu ou à influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’il achemine pour le public.
  2. Lorsqu’un FSI agit ainsi, il peut orienter stratégiquement les consommateurs vers le contenu du groupe privilégié et les éloigne du contenu du groupe désavantagé. Dans ces circonstances, ce sont les actes du FSI plutôt que les forces du marché qui influencent le sens ou l’objet du contenu; ce changement est dû non pas à la création d’un produit de qualité supérieure, mais plutôt au fait que le FSI a stratégiquement réduit l’attrait relatif du produit du rival.
  3. Toutefois, en l’absence de liens commerciaux entre le FSI et son contenu affilié, les forces du marché peuvent jouer et désigner les gagnants et les perdants. Dans un tel cas, c’est le marché plutôt que le FSI qui influence le sens ou l’objet des télécommunications. Voir les paragraphes 44 et 45.

Q.11 : Compte tenu des réponses aux questions plus haut, quelles restrictions, s’il y a lieu, devraient être appliquées aux pratiques de différenciation de prix particulières associées avec l’utilisation de données Internet au détail?

  1. Le CRTC devrait envisager la possibilité d’établir un cadre réglementaire qui interdit les pratiques de tarification différentielle qui nuisent à la concurrence.

Q.12 : Est‑ce que des types particuliers d’applications, comme celles associées aux besoins sociaux devraient être traités de manière différente ou être exemptés d’un cadre réglementaire relatif aux pratiques de différenciation de prix, et dans l’affirmative, pourquoi? De quelle manière de telles applications devraient elles être définies, catégorisées et évaluées?

  1. Seules les pratiques de différenciation de prix qui favorisent le contenu affilié peuvent nuire à la concurrence. Dans certains cas, la différenciation de prix pour des objectifs sociaux peut ne pas respecter le critère de l’affiliation à un FSI. Si tel est le cas, ce type de pratique de différenciation de prix ne devrait alors pas, de l’avis du Bureau, être interdit par tout cadre réglementaire établi.
  2. Les effets négatifs pour la concurrence peuvent être autorisés, à la discrétion de l’organisme de réglementation, lorsque d’autres objectifs légitimes en matière de politiques existent. Par exemple, il pourrait être question d’une situation où le trafic gratuit d’un FSI est associé au transfert de dossiers médicaux. Le Bureau ne s’oppose pas à de telles mesures lorsqu’elles sont le résultat de la réalisation du mandat d’un organisme.

Q.13 : D’autres facteurs permettent ils de déterminer si des pratiques de différenciation de prix devraient ou ne devraient pas être permises dans certains cas? Par exemple, l’autorisation devrait elle dépendre du fait que :

  • le FSI contrôle plusieurs parties de la chaîne d’approvisionnement, y compris les installations de transmission et les applications de données;
  1. Pour que la concurrence soit touchée, il est nécessaire qu’un FSI soit affilié à d’autres parties de la chaîne d’approvisionnement, c’est‑à‑dire les fournisseurs de contenu.
  • la pratique de différenciation de prix est fondée sur des paramètres économiques ou purement techniques;
  1. De l’avis du Bureau, le cadre réglementaire ne devrait pas varier selon que la pratique de différenciation de prix est fondée sur des paramètres « économiques » (c.‑à‑d. financiers) ou « techniques » (c. à d. non financiers). Les consommateurs ne s’intéressent généralement pas qu’au prix et à ce qu’ils payent pour un produit, ils se soucient également des niveaux de service qu’ils reçoivent lorsqu’ils utilisent le produit et de la qualité du produit, de même que d’autres caractéristiques.
  2. Par conséquent, la différenciation de prix peut toucher tout aspect de l’offre de service d’un FSI auquel le client accorde de l’importance. De l’avis du Bureau, tout cadre réglementaire devrait tenir compte de la grande diversité d’avantages que reçoivent les consommateurs et voir au delà du simple prix du serviceFootnote 44.
  • la pratique de différenciation de prix a une incidence sur le succès de l’application ou du service en question;
  1. L’argument le plus solide pour interdire une pratique de différenciation de prix qui nuit à la concurrence se manifeste lorsque l’on peut démontrer que la conduite a clairement un effet négatif. Toutefois, cela n’est pas toujours facile à faire. L’estimation des effets d’une conduite commerciale, si tant est que ce soit possible de le faire, est un processus compliqué dont la mise en application convenable peut exiger de grandes quantités de données et une connaissance de l’industrie. Pendant ce temps, tandis que le demandeur et les plaignants défendent leur estimation respective des effets, les consommateurs peuvent subir un préjudice continu causé par des prix plus élevés, un choix moins vaste et des niveaux d’innovation diminués.
  2. De l’avis du Bureau, le cadre ne devrait prévoir aucune exigence voulant qu’un plaignant soit tenu de prouver l’existence d’effets réels liés à la différenciation de prix. En effet, dans le cas d’une différenciation de prix du contenu affilié d’un FSI, le CRTC devrait songer à l’interdire par défaut. D’autres normes peuvent créer de l’incertitude, ouvrir la porte à des applications stratégiques et allonger toute période où le préjudice se produit pendant qu’une décision est prise.
  • la pratique procure un avantage sociétal;
  1. De l’avis du Bureau, il faudrait toujours examiner attentivement le coût social de la concurrence perdue. Toutefois, dans des circonstances où d’autres objectifs légitimes en matière de politiques existent, comme la divulgation efficiente d’une information durant une urgence, le CRTC peut envisager la possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’équilibrer les effets négatifs sur la concurrence et les effets sur l’intérêt public.
  • le FSI met l’offre à la disposition de tous les fournisseurs d’application offrant des services ou des applications identiques ou semblables;
  1. À première vue, une telle règle peut sembler attrayante. En théorie, un FSI ne peut être perçu comme favorisant son contenu affilié tout en appliquant les mêmes règles à tous les autres contenus. Toutefois, une règle qui autorise toute forme de différenciation de prix touchant un contenu affilié serait peu pratique.
  2. Par exemple, de quelle manière un FSI peut il recenser tout seul l’ensemble des fournisseurs d’application dans une catégorie de services donnée? Comment peut il s’assurer que tous les fournisseurs sont au courant de l’offre? Et, même si ces questions peuvent être réglées, à quel point un fournisseur de services concurrent sera t il prêt à fournir à son concurrent les détails techniques nécessaires à l’égard de ses services?
  3. De l’avis du Bureau, une exemption fondée sur ces types d’offres universelles peut être difficile à surveiller et à mettre en application et ne devrait pas être perçue comme un remède adéquat au préjudice économique qui peut être créé par la différenciation de prix.
  • la pratique affecte‑t‑elle la politique sur la radiodiffusion?
  1. La différenciation de prix de contenu affilié peut nuire à la concurrence, et de l’avis du Bureau, il s’agit là d’une raison suffisante pour justifier une intervention réglementaire. Le CRTC devrait toutefois envisager la possibilité d’apporter les modifications nécessaires à toute politique de radiodiffusion afin d’atteindre cet objectif.

Q.14 : Le cadre de PGTI de la Commission devrait il être modifié afin de tenir compte des pratiques de différenciation de prix, et, dans l’affirmative, de quelle manière?

  1. Voir la réponse au paragraphe 105. Le CRTC devrait songer à établir un cadre réglementaire qui interdit les pratiques de différenciation de prix qui nuisent à la concurrence, et le CRTC devrait envisager la possibilité d’apporter les modifications nécessaires à toutes les politiques connexes afin d’atteindre cet objectif.

Q.15 : Décrivez de quelle manière toute préoccupation en matière de transparence à propos de l’information mise à la disposition des consommateurs au sujet des pratiques de différenciation de prix pourrait être dissipée.

  1. Voir la réponse à la question 9.

Annexe B : Questions pour les demandes de renseignements

  1. Pour tous les fournisseurs de contenu :
    1. Fournissez des exemples de situations, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, où vous n’avez pas lancé votre service, avez cessé d’offrir votre service ou avez diminué la portée de votre offre en raison de l’existence ou de la possibilité qu’un FSI offre ou introduise des pratiques de différenciation de prix.
      1. Cette demande concerne les paragraphes 18 à 23 du présent mémoire.
    2. Décrivez chaque situation, à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, où vous avez perdu des clients ou que votre trafic a diminué en raison de l’introduction de pratiques de différenciation de prix d’un FSI. Ces clients perdus se sont ils tournés vers un service que vous considérez comme un concurrent?
      1. Cette demande concerne la partie IV du présent mémoire.
    3. Décrivez les types de coûts que vous devez assumer avant d’entrer sur un marché ou de lancer un nouveau produit.
      1. Cette demande concerne le paragraphe 18 du présent mémoire.
    4. Indiquez si vous avez cherché à obtenir un avantage lié à la différenciation de prix auprès d’un FSI pour votre service. Le cas échéant, décrivez l’avantage que vous avez cherché à obtenir et indiquez si vous avez réussi à l’obtenir.
      1. Cette demande concerne la partie IV du présent mémoire.
    5. Quelle proportion de vos revenus d’exploitation provient des FSI canadiens? Quelle proportion de vos revenus d’exploitation provient d’un seul FSI canadien?
      1. Cette demande concerne le paragraphe 23 du présent mémoire.
  2. Pour tous les FSI :
    1. Quelle proportion des promotions ou des services que vous offrez ou que vous avez l’intention d’offrir au cours des deux prochaines années vous appartiennent ou sont affiliés à vous?
      1. Cette demande concerne le paragraphe 14 du présent mémoire.