Énoncé du Bureau de la concurrence concernant l’emploi non conforme des vaccins

Énoncé de position

Voir le communiqué de presse qui correspond à cet énoncé de position.


Sur cette page

  1. Contexte
  2. Enjeux en matière de concurrence
  3. Conclusion

Dans son plan annuel de 2018-2019, le Bureau de la concurrence s'est donné comme priorité de veiller à la concurrence et à l'innovation dans le secteur de la santé et des sciences biologiques. Le Bureau s'engage donc à donner des conseils à l'industrie des produits pharmaceutiques sur des pratiques qui pourraient susciter des préoccupations quant au respect de la Loi sur la concurrence (la Loi).

Le Bureau a récemment mené une enquête préliminaire relativement à de possibles préoccupations en matière de concurrence liées à la fourniture d'un vaccin aux fins d'un programme provincial d'immunisation publique. L'enquête a notamment porté sur le comportement allégué d'un fabricant, qui aurait proposé l'ajout d'une clause dans un contrat d'approvisionnement visant à restreindre l'emploi non conformeNote de bas de page 1 de son vaccin par les autorités en matière de santé publique. En raison de cette restriction proposée, des provinces auraient pu se voir interdire la possibilité de mettre en place des programmes d'immunisation publique qui considèrent l'emploi non conforme de vaccins, notamment un nombre réduit de doses ou un calendrier de vaccination mixte en utilisant des produits d'autres fabricants, ce qui aurait fait augmenter les coûts de ces programmes. 

Le Bureau a finalement conclu à l'absence d'infraction aux dispositions sur l'abus de position dominante de la Loi étant donné qu'à l'heure actuelle le comportement allégué ne s'est pas concrétisé. Cependant, si une pratique comparable était portée à la connaissance du Bureau, celui-ci n'hésiterait pas à prendre des mesures supplémentaires d'application de la loi ou de promotion de la concurrence. Le présent énoncé décrit certains des enjeux en matière de concurrence liés à l'emploi non conforme des vaccins et des médicaments pharmaceutiques et formule des conseils à cet égard. Le Bureau tient à préciser que, même s'il reconnaît que les fabricants de produits pharmaceutiques peuvent avoir des préoccupations légitimes relatives aux questions de santé et de sécurité, ces questions ne doivent pas être utilisées à titre de prétexte afin d'exclure leurs concurrents. Le Bureau encourage les fabricants à ne pas strictement interdire l'emploi non conforme de leurs produits dans les cas où cette mesure restreint le pouvoir et la discrétion qu'ont les autorités en matière de santé publique de gérer leurs programmes d'immunisation, surtout lorsque ces interdictions rendent impossible l'utilisation des produits fabriqués par des concurrents.

I- Contexte

A. Vaccins au Canada

La vaccination au Canada est une responsabilité partagée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriauxNote de bas de page 2. Le gouvernement fédéral joue plusieurs rôles, notamment en ce qui a trait à l'approbation réglementaire, la surveillance de la sécurité des vaccins, l'achat en gros ainsi que le leadership et la coordination nationaux en ce qui concerne l'acquisition et le transfert des connaissances, entre autres. L'administration et la prestation des services de soins de santé, y compris la planification et l'exécution des programmes d'immunisation, relèvent de la compétence des provinces et des territoires qui ont donc la responsabilité d'élaborer les politiques sur l'immunisation ainsi que les calendriers connexes applicables à l'intérieur de leurs territoires en fonction de leurs propres besoins.

Les vaccins, ainsi que les médicaments pharmaceutiques, sont réglementés par Santé Canada en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (LAD) et le Règlement sur les aliments et drogues. Santé Canada examine les renseignements cliniques ainsi que l'information sur la fabrication se trouvant dans les présentations de vaccins (notamment la monographie du produit) et autorise l'utilisation et la vente du produit au Canada. Même si Santé Canada surveille l'innocuité et l'efficacité des vaccins tout au long de leur cycle de vie, le ministère n'examine pas l'emploi non conforme des vaccins et des médicaments pharmaceutiques. À la suite de l'approbation d'un vaccin en tant que produit, il est possible que les données recueillies après sa commercialisation révèlent qu'un emploi non conforme du vaccin soit indiqué. Cependant, seul le fabricant peut s'adresser à Santé Canada afin d'actualiser la monographie de son produit en vue d'y ajouter de nouveaux usagesNote de bas de page 3.

L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) offre des conseils sur les pratiques d'immunisation, mais elle ne joue aucun rôle réglementaire. Dans le cadre des activités prévues par son mandat, l'ASPC publie le Guide canadien d'immunisation qui constitue une source importante de renseignements sur l'immunisation destinée aux professionnels du domaine de la santé. L'analyse effectuée par l'ASPC est différente de celle effectuée par un organisme de réglementation en ce que la portée de l'analyse de l'ASPC englobe non seulement l'innocuité et l'efficacité d'un produit, mais également un vaste éventail de facteurs ayant trait à la santé publique. De plus, l'ASPC compte sur les recommandations formulées par le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI), un comité consultatif composé d'experts qui présente des recommandations sur les vaccins déjà homologués ou nouvellement approuvés. Les recommandations du CCNI portant sur les pratiques d'immunisation peuvent prévoir l'emploi non conforme d'un vaccinNote de bas de page 4.

Les provinces et les territoires peuvent aussi constituer leurs propres comités d'experts pour obtenir des conseils au sujet des politiques sur l'immunisation. Ces politiques publiques mettent en œuvre des recommandations présentées par des comités composés d'experts (p. ex., le CCNI ou un comité provincial ou territorial) pour répondre aux besoins des provinces et des territoires tout en tenant compte des questions relatives à la santé et à la sécurité, à la disponibilité des ressources, aux contraintes et aux priorités établies. Le calendrier d'immunisation d'une province ou d'un territoire peut prévoir l'emploi non conforme d'un vaccin.

B. Emploi non conforme

Un vaccin (ou un médicament) peut s'avérer utile pour des indications, populations ou doses n'étant pas visées par la monographie du produit ni homologuées par Santé Canada. En vertu du cadre réglementaire au Canada, les fabricants doivent présenter les données sur l'innocuité et l'efficacité de leurs produits à Santé Canada démontrant qu'un vaccin peut être utilisé d'une certaine manière et seul le fabricant peut demander la modification de la monographie du produit afin d'y inclure d'autres usages.

Un fabricant peut décider de ne pas actualiser la monographie d'un produit afin d'y ajouter des emplois non conformes même lorsque de nouvelles données recueillies après l'approbation initiale du produit indiquent que ces usages seraient indiqués. Par exemple, un fabricant peut ne pas vouloir assumer les coûts élevés des essais cliniques requis par Santé Canada en vue d'obtenir l'homologation d'un nouvel usage nécessaire à l'actualisation de la monographie d'un produit. Le fabricant peut aussi ne pas vouloir modifier la monographie d'un produit afin d'y ajouter un usage facilitant l'utilisation d'un produit fabriqué par un concurrent.

La LAD interdit aux fabricants de vendre un produit ou d'en faire la publicitéNote de bas de page 5 d'une manière fausse, trompeuse ou mensongère, ce qui pourrait comprendre la promotion d'un emploi non conforme. Le Bureau ne voit pas dans cette disposition une interdiction à un fabricant de conclure un contrat d'approvisionnement d'un programme administré par le secteur public qui pourrait comporter l'emploi non conforme d'un vaccin. L'emploi non conforme peut avoir lieu et a lieu dans le contexte de l'administration et de la prestation des services de soins santé. Les autorités en matière de santé publique peuvent décider de se servir d'un produit d'une manière qui n'est pas homologuée dans le cadre d'un programme d'immunisation après avoir examiné plusieurs facteurs, notamment le fardeau associé à la maladie et le coût du produit en question.   

II- Enjeux en matière de concurrence

Le Bureau a constaté que l'interrelation entre l'obligation de respecter les exigences réglementaires relatives à l'approbation des vaccins et des médicaments et le recours à un emploi non conforme de ces produits peut donner lieu à des préoccupations relatives à la concurrence dans certaines situations. Par exemple, dans les cas où l'emploi non conforme est en fait l'utilisation, par une autorité en matière de santé publique, du produit d'un fabricant en conjonction avec le produit d'un concurrent, les fabricants doivent veiller à ne pas imposer des contraintes relatives à l'emploi non conforme par l'autorité en matière de santé publique. Dans les situations où de tels comportements, lesquels peuvent ne pas être bien fondés sur le plan scientifique, empêchent l'entrée sur le marché d'un concurrent ou excluent ce dernier, ils peuvent contrevenir aux dispositions sur l'abus de position dominante ou à d'autres dispositions de la Loi.

En vertu de la Loi, il y a abus de position dominante lorsqu'une entreprise dominante ou un groupe d'entreprises dominantes au sein d'un marché adoptent un comportement anticoncurrentiel ayant pour effet que la concurrence a été, est ou est susceptible d'être empêchée ou diminuée sensiblement. Un élément clé de l'évaluation du Bureau sera l'analyse de l'intention qui sous-tend le comportement, par exemple, pour déterminer si le comportement relève de l'intention générale de tenir compte de préoccupations légitimes liées à la santé ou de celle d'exclure des concurrents actuels ou éventuels.

La concurrence peut jouer un rôle important dans le cadre des programmes d'immunisation puisque les provinces peuvent chercher à réduire les coûts de leurs programmes en tirant parti de produits fabriqués par des concurrents. Dans les cas des programmes publics prévoyant l'emploi non conforme d'un produit, le Bureau fera preuve d'une vigilance accrue face à des allégations voulant que les fabricants de produits pharmaceutiques se comportent d'une manière qui exclut des concurrents et empêche l'autorité en matière de santé publique d'exercer son pouvoir et sa discrétion quant à l'administration de son programme d'immunisation. Ces comportements peuvent comprendre l'imposition de restrictions relatives à l'emploi non conforme empêchant l'utilisation, comme substitut partiel, d'un produit fabriqué par un concurrent.

III- Conclusion

Le Bureau garde bien à l'esprit l'importance de la concurrence au sein de l'industrie pharmaceutique compte tenu des barrières à l'entrée de ce marché découlant de la protection des brevets, des règlements stricts et des coûts de développement des vaccins et des médicaments pharmaceutiques. Même si le comportement qui a fait l'objet de l'enquête sur la fourniture d'un vaccin au programme d'immunisation d'une province ne s'est pas produit, le Bureau est d'avis que le type de comportement décrit dans le présent énoncé peut donner lieu à de sérieuses préoccupations liées aux dispositions sur l'abus de position dominante de la Loi dans certaines situations.

Advenant une situation présentant des preuves convaincantes d'un préjudice découlant de l'imposition par un fabricant de restrictions relatives à l'emploi non conforme, ou de tout autre comportement excluant les concurrents, le Bureau n'hésitera pas à prendre les mesures appropriées.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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