Énoncé du Bureau de la concurrence au sujet de son enquête visant le comportement anticoncurrentiel présumé d'Enercare

Énoncé de position

Voir le communiqué de presse qui correspond à cet énoncé de position.


OTTAWA, 19 septembre 2019 — Aujourd'hui, le commissaire de la concurrence a annoncé avoir interrompu son enquête visant à établir si Enercare Inc. (Enercare), un fournisseur de chauffe-eau de location, s'est livré à un comportement contraire aux dispositions relatives à l'abus de position dominante de la Loi sur la concurrence (Loi). Le présent énoncé résume l'enquête du Bureau de la concurrence et les motifs de l'abandon de celle-ci.

Lors de son enquête, le Bureau a principalement examiné deux types de comportements. Premièrement, le Bureau a enquêté sur les politiques et les pratiques de retour des chauffe-eau d'Enercare, en particulier les politiques de vérification du mandataire et les politiques des ateliers de retour d'Enercare. Deuxièmement, le Bureau a enquêté sur le recours à des contrats de type « rachat seulement, durée de vie utile » (« buyout only, useful life contract » ou « BOULC ») par Enercare. Enercare se sert des contrats de type BOULC depuis 2010. La seule option de résiliation d'un contrat de type BOULC avant la fin de la « durée de vie utile » du chauffe-eau (un constat qu'Enercare fait de son propre gré) consiste à acheter le chauffe-eau selon une tarification établie par Enercare lorsque le contrat est conclu.

En résumé, les éléments de preuve recueillis et analysés par le Bureau suggèrent qu'Enercare détient une position dominante dans le marché. Les éléments de preuve donnent également à penser qu'Enercare se livre à un comportement qui, dans certaines circonstances, pourrait soulever des préoccupations aux termes des dispositions relatives à l'abus de position dominante. Toutefois, les éléments de preuve obtenus par le Bureau à ce jour ne permettent pas de conclure que le comportement d'Enercare a ou a eu pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, ce qui est l'une des conditions pour qu'un comportement constitue un abus de position dominante. Par conséquent, l'affaire ne justifie pas le dépôt d'une demande auprès du Tribunal de la concurrence pour le moment. Étant donné que le comportement d'Enercare se poursuit, le Bureau prendra les mesures qui s'imposent si de nouveaux éléments de preuve convaincants démontrent une infraction à la Loi.

Contexte général

Contrairement à d'autres régions du Canada où la plupart des propriétaires possèdent leur chauffe-eau, un nombre important de propriétaires en Ontario louent leur chauffe-eau auprès de fournisseurs de services comme Enercare. Les contrats de location de chauffe-eau prévoient généralement que le consommateur paie des frais mensuels en échange de l'installation du chauffeeau dans leur maison, ainsi que certains services d'entretien et de réparation par le fournisseur. Depuis le début des années 2000, le Bureau a pris d'importantes mesures d'application de la loi pour répondre aux préoccupations relatives aux allégations de comportement anticoncurrentiel dans ce marché, notamment en présentant des demandes et en enregistrant des consentements auprès du Tribunal de la concurrence.

Enquête du Bureau

Le prédécesseur d'Enercare, Direct Energy Marketing Limited (Direct Energy), a commencé à recourir aux contrats de type BOULC en 2010. Le commissaire avait auparavant approuvé l'utilisation de contrats de type BOULC par Direct Energy dans le cadre d'un consentement qui liait Direct Energy jusqu'au 20 février 2012Note de bas de page 1. Les contrats de ce genre se caractérisent surtout par des clauses visant la durée du contrat et la résiliation par le client. Dans le contrat actuel d'Enercare (en anglais seulement), ces termes sont définis comme suit :

2. Durée :
La durée de location du chauffe-eau prend fin si le présent contrat est résilié par vous ou par nous [...] ou lorsque la durée de vie utile du chauffe-eau est terminée. La durée de vie utile du chauffe-eau prend fin lorsqu'Enercare ou son fournisseur de services autorisé établit, compte tenu des facteurs pertinents, notamment l'âge du chauffeeau et le coût des réparations à effectuer sur le chauffe-eau, qu'il n'est plus raisonnable sur le plan commercial de réparer le chauffe-eau. […]
9. Résiliation […] par vous :
Votre seul moyen pour résilier le présent contrat avant la fin de la durée de vie utile du chauffe-eau est d'acheter le chauffe-eau. Vous pouvez acheter le chauffe-eau en tout temps à un prix de rachat qui tient compte, entre autres, du coût impayé du chauffe-eau et des frais d'installation, de financement et d'entretien connexes, le prix de rachat se trouvant sur notre site Web. […]

Par conséquent, à moins qu'Enercare établisse qu'il n'est pas raisonnable sur le plan commercial de réparer un chauffe-eau, l'unique option de résiliation d'un client consiste à acheter l'appareil. Par exemple, d'après l'annexe d'Enercare sur le rachat pour 2019 (en anglais seulement), le prix de rachat exigé pour un chauffe-eau au gaz à ventilation électrique de 50 gallons qui a moins d'un an serait de 1 620 $ et de 707 $ pour un chauffe-eau qui a dix ans.

En 2014, dans le cadre de l'acquisition de Direct Energy par Enercare, Enercare s'est engagé par écrit envers le commissaire à cesser de se livrer aux pratiques liées au retour des chauffe-eau qui faisaient l'objet d'un litige entre le commissaire et Direct Energy devant le Tribunal.

Après avoir reçu de nombreuses plaintes de clients au sujet des politiques de retour des chauffeeau d'Enercare, de ses pratiques contractuelles et des violations présumées d'un engagement écrit qu'il avait déjà pris envers le commissaire, le Bureau a entrepris une enquête en 2017. Au cours de l'enquête, le Bureau a interrogé des participants clés du marché tout en recueillant des documents pertinents auprès d'un bon nombre de ces parties, notamment au moyen d'ordonnances judiciaires qui obligent la production de documents, de déclarations écrites et de dépositions orales conformément à l'article 11 de la Loi.

Analyse sous l'angle des dispositions relatives à l'abus de position dominante

Il y a abus de position dominante lorsqu'une entreprise dominante ou un groupe d'entreprises dominantes sur un marché se livre à une pratique d'agissements anticoncurrentiels, ce qui a pour effet que la concurrence a été ou sera vraisemblablement empêchée ou diminuée sensiblement.

Position dominante

Le Bureau a cherché à établir si Enercare détient une position dominante ou, plus précisément, si Enercare possède une puissance commerciale importante dans un marché pertinent. Pour ce faire, il faut déterminer à la fois le ou les marchés géographiques pertinents et le ou les marchés de produits pertinents qui sont visés par le comportement.

D'après les résultats de son enquête, le Bureau a considéré que les marchés géographiques pertinents étaient locaux, situés dans des régions de l'Ontario qui sont approvisionnées exclusivement par Enbridge Gas Inc. (le territoire gazier d'Enbridge), qui, aux fins d'analyse, peuvent être regroupés dans le territoire gazier d'Enbridge en raison de leurs structures de marché similaires. En ce qui concerne le marché de produits pertinent, le Bureau a examiné si le marché ne comprend que les chauffe-eau de location au gaz ou s'il est plus vaste de sorte qu'il englobe également les chauffe-eau au gaz achetés par l'intermédiaire de détaillants. Pour éclairer son analyse, le Bureau a recueilli beaucoup de renseignements durant l'enquête, y compris les opinions de concurrents et des éléments de preuve en ce qui a trait aux solutions de rechange pour les consommateurs en raison des différences importantes entre les coûts de location et de vente au détail des chauffe-eau au gaz sur le long terme. Bien que le Bureau ait examiné les deux définitions du marché de produits, il est d'avis que, dans l'ensemble, le marché de produits pertinent est probablement limité aux chauffe-eau de location au gaz selon les renseignements disponibles à l'heure actuelle. Ce point de vue repose notamment sur le fait que les coûts à vie de location des chauffe-eau sont beaucoup plus élevés pour les consommateurs que ceux d'achat des chauffe-eau, une fois les coûts probables d'installation et d'entretien de ceux-ci pris en compte.

Le Bureau est d'avis qu'Enercare possède probablement la puissance commerciale requise (c.àd. qu'elle est dominante) dans le marché de produits pertinent. Cette conclusion repose sur des indicateurs indirects et directs de la puissance commerciale. Les renseignements recueillis pendant l'enquête donnent à penser qu'en 2018, Enercare détenait une part de marché d'environ 80 % dans un marché pertinent qui comprend les chauffe-eau de location au gaz dans le territoire gazier d'Enbridge. Les taux de rendement internes élevés d'Enercare et sa capacité d'imposer des hausses de prix constantes supérieures au taux d'inflation sont des éléments de preuve directs de la puissance commerciale. Ces données associées à la part de marché d'Enercare indiquent qu'Enercare est en position dominante.

Pratique d'agissements anticoncurrentiels

Tel que décrit ci-dessus, le Bureau a examiné si les politiques de retour des chauffe-eau d'Enercare et son recours aux contrats de type BOULC constituaient une pratique d'agissements anticoncurrentiels au sens des dispositions relatives à l'abus de position dominante.

Les conclusions du Bureau sur chacune de ces catégories de comportement sont décrites cidessous.

Politiques et pratiques de retour des chauffe-eau

L'une des composantes de l'enquête du Bureau concernait les politiques et les pratiques de retour des chauffe-eau d'Enercare, y compris la conformité d'Enercare à l'engagement écrit. Les clients qui ont signé des contrats avec Enercare avant l'introduction du contrat de type BOULC en 2010 ont la possibilité de résilier leur contrat en retournant leur chauffe-eau à Enercare sans payer de frais de rachat.

Le Bureau a examiné les politiques et les pratiques d'Enercare pour le retour de ces chauffe-eau, comme les politiques de vérification du mandataire d'Enercare et les politiques des ateliers de retour d'Enercare. Plus précisément, le Bureau a examiné les allégations selon lesquelles les politiques des ateliers de retour d'Enercare ont entraîné des retards en raison d'un manque de personnel dans ses ateliers, d'heures imprévisibles ou d'employés dans les ateliers d'Enercare qui ont rejeté arbitrairement le retour des chauffe-eau. En ce qui concerne les politiques de vérification du mandataire, le Bureau a examiné la politique d'Enercare consistant à exiger un délai de 48 heures avant d'accepter le retour d'un chauffe-eau qui avait été retourné par un concurrent. Les éléments de preuve recueillis lors de l'enquête donnent à penser qu'Enercare tenterait d'entrer en contact avec le client pendant cette période, bien qu'il n'était pas nécessaire qu'Enercare réussisse à prendre contact avec lui pour accepter le retour lors de l'expiration du délai prévu.

D'après les renseignements recueillis au cours de l'enquête, le Bureau est d'avis que les retards associés aux politiques des ateliers de retour d'Enercare ne semblaient pas durables et systémiques au point qu'ils constitueraient pour le moment une « pratique » au sens des dispositions relatives à l'abus de position dominante. En ce qui concerne les politiques de vérification du mandataire d'Enercare, bien que le Bureau estime que ce comportement constitue une « pratique », les éléments de preuve recueillis durant l'enquête n'ont pas établi qu'Enercare s'était livré à ce comportement dans un but anticoncurrentiel, comme le décrit la jurisprudence interprétant et appliquant les articles 78 et 79 de la Loi. Par conséquent, le Bureau n'a pas conclu que les politiques de vérification du mandataire d'Enercare constituaient un agissement anticoncurrentiel.

Si le Bureau est informé d'éléments de preuve crédibles selon lesquels Enercare se livre à une pratique d'agissements anticoncurrentiels, il fera enquête et prendra les mesures qui s'imposent.

Contrat « rachat seulement, durée de vie utile » (contrat de type BOULC)

L'enquête du Bureau a également examiné si le recours par Enercare au contrat de type BOULC constituait un agissement anticoncurrentiel. Depuis septembre 2010, tous les clients qui ont conclu un contrat de location de chauffe-eau avec Enercare (ou auparavant, Direct Energy) ont conclu un contrat de type BOULC. La proportion de clients d'Enercare qui sont parties prenantes à un contrat de type BOULC a continué d'augmenter. En 2018, environ 45 % de tous les clients qui louaient un chauffeeau d'Enercare étaient parties prenantes à un contrat de type BOULC.

D'après les renseignements recueillis pendant l'enquête, le Bureau a conclu qu'Enercare se livre à une pratique d'agissements anticoncurrentiels au sens des dispositions relatives à l'abus de position dominante. En particulier, l'enquête du Bureau a mis au jour des éléments de preuve laissant entendre que l'objectif d'Enercare en recourant au contrat de type BOULC et en exigeant que les clients paient le prix de rachat est de décourager l'érosion de la clientèle (notamment l'érosion au profit de concurrents). Le Bureau estime qu'il s'agit d'une preuve d'intention d'exclusion.

Pour en arriver à cette conclusion, le Bureau s'est également demandé si l'utilisation par Enercare d'un contrat de type BOULC servait un objectif commercial légitime, en particulier si le contrat de type BOULC est nécessaire en vue de protéger l'investissement initial fait par Enercare pour fournir un chauffe-eau aux clients. Toutefois, il ressort notamment des renseignements recueillis lors de l'enquête que l'ampleur des prix de rachat exigés et la durée durant laquelle ils étaient exigés dépassaient largement un niveau correspondant au recouvrement de l'investissement initial d'Enercare. Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve, le Bureau n'a pas pu conclure que le comportement d'Enercare était motivé principalement par un motif favorisant la concurrence ou améliorant l'efficacité.

Empêchement ou diminution sensible de la concurrence

Dans son enquête, le Bureau s'est demandé si la concurrence a été ou sera vraisemblablement empêchée ou diminuée sensiblement en raison du comportement d'Enercare. Comme l'enquête du Bureau ne corroborait pas actuellement la conclusion selon laquelle les politiques de retour des chauffe-eau d'Enercare constituaient une pratique d'agissements anticoncurrentiels au sens des dispositions relatives à l'abus de position dominante, son analyse à cet égard s'est axée sur le recours par Enercare au contrat de type BOULC.

Pour évaluer les effets du comportement d'Enercare sur la concurrence, le Bureau a examiné les renseignements qualitatifs et effectué une analyse quantitative approfondie fondée sur les données recueillies auprès d'Enercare et d'autres participants du secteur. Le Bureau a examiné, entre autres, si :

  • le contrat de type BOULC aide Enercare à maintenir des tarifs de location plus élevés;
  • le contrat de type BOULC a pour effet de dissuader ou d'empêcher les clients d'Enercare de passer à la concurrence; 
  • Enercare offre à ses clients qui ont un chauffe-eau pouvant être retourné (c.-à-d. ceux qui ne sont pas parties prenantes à un contrat de type BOULC) des offres de fidélisation sensiblement meilleures.

Les éléments de preuve recueillis dans le cadre de l'enquête indiquent que le contrat de type BOULC a réduit le nombre de clients qui quittent Enercare pour la concurrence. Toutefois, ils n'ont pas permis d'établir que le contrat de type BOULC aide Enercare à maintenir des prix sensiblement plus élevés sous la forme de tarifs de location plus élevés, ou autrement sous la forme de meilleures offres de fidélisation pour les clients ayant des chauffe-eau pouvant être retournés. En outre, les éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête n'étaient pas suffisants pour établir que le contrat de type BOULC avait eu l'incidence négative requise sur l'entrée ou l'expansion des concurrents.

À la lumière de ces constatations et d'autres, le Bureau a conclu que, pour le moment, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve montrant que le comportement d'Enercare a eu, a ou aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le ou les marchés pertinents pour justifier le dépôt d'une demande auprès du Tribunal.

Conclusion

Le commissaire a décidé de mettre fin à son enquête parce que, pour le moment, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que le comportement présumé d'Enercare contrevient aux dispositions relatives à l'abus de position dominante de la Loi. Par conséquent, le commissaire est d'avis que les éléments de preuve ne justifient pas la présentation d'une demande au Tribunal à l'heure actuelle.

Les décisions du commissaire en matière d'application de la loi sont fondées sur les éléments de preuve dont il dispose. Si de nouveaux éléments de preuve convaincants sont mis au jour, en particulier de la part d'un concurrent corroborant un préjudice anticoncurrentiel causé par les contrats de type BOULC, le Bureau prendra les mesures qui s'imposent.

Sources citées dans le présent énoncé de position

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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