Mémoire à l'intention du comité de la concurrence de l'OCDE sur le rôle de la politique de la concurrence pour promouvoir la reprise économique

Le 30 octobre 2020

Sur cette page :

  1. Guide pour l'évaluation de la concurrence
  2. Conseils stratégiques à l'intention des décideurs politiques

Introduction

Les politiques qui soutiennent la concurrence peuvent accélérer la reprise économique du Canada après la pandémie en stimulant la productivité, l'innovation et l'entrée de nouvelles entreprises sur les marchésNote de bas de page 1, tel est le message que le Bureau de la concurrence du Canada adresse aux organismes de réglementation et responsables de politiques canadiens (collectivement, les décideurs politiques).

Le Bureau, en tant qu'organisme indépendant chargé de l'application de la Loi sur la concurrenceNote de bas de page 2 du Canada (la Loi), veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur. Avec à sa tête le commissaire de la concurrence, le Bureau exécute le mandat législatifNote de bas de page 3 de promouvoir et défendre les avantages de la concurrence au Canada.

Pour le Bureau, l'expérience des crises passées a montré que les crises économiques offrent à certaines entreprises l'occasion de consolider leur pouvoir de marché. Plutôt que de s'adapter, certaines entreprises détenant un pouvoir de marché sont incitées à réduire la production, augmenter les prix ou ériger des barrières à l'entrée, ce qui pourrait prolonger un ralentissement économique et, en fin de compte, nuire à la productivité et à la compétitivité de l'économieNote de bas de page 4.

L'expérience des crises passées a également montré que les crises économiques peuvent aussi conduire à l'adoption de mesures protectionnistes. Les gouvernements peuvent être appelés à intervenir non seulement pour la suspension ou l'assouplissement de la mise en application des règles du droit de la concurrence, mais également pour soutenir des entreprises ou des secteurs économiques en difficultéNote de bas de page 5.

Durant la crise sanitaire liée à la COVID‑19, le premier défi que le Bureau a rencontré est apparu lorsque l'impact de la pandémie sur le fonctionnement normal de l'économie a commencé à se préciser. Le Bureau, comme beaucoup d'homologues internationauxNote de bas de page 6, a publié ses orientations sur la collaboration entre concurrents en matière de COVID‑19, qui propose une approche souple, mais fondée sur des principes, par rapport aux collaborations nécessaires pour assurer la fourniture de produits et de services essentiels.

Ces orientations étaient sans précédent et représentaient un écart important par rapport aux orientations traditionnelles du Bureau concernant l'application de la Loi sur la collaboration entre concurrents. Mais le Bureau a estimé qu'elles étaient nécessaires compte tenu des circonstances du marché.

Plus largement, dans le contexte du ralentissement et de la reprise économiques qui font suite à la crise sanitaire liée à la COVID‑19, le Bureau perçoit son rôle à deux niveaux.

D'une part, protéger les consommateurs, les entreprises et les dépenses publiques contre les pratiques anticoncurrentielles par la mise en application de la Loi. Le Bureau a continué à lutter contre les activités anticoncurrentielles, telles que les pratiques commerciales trompeuses, la fixation des prix et le truquage des offres dans les marchés publics, notamment en adressant des lettres d'avertissement à une variété d'entreprisesNote de bas de page 7.

Ces activités de mise en application de la Loi visent notamment à maintenir la confiance des consommateurs tout au long de la pandémie et au-delà, afin d'endiguer les effets de la crise au chapitre de la demande et de préparer le terrain pour une reprise vigoureuse.

D'autre part, le Bureau a ajusté ses activités de promotion de la concurrence en vue d'assister les décideurs publics dans la prise en compte de la concurrence durant la pandémie et après. Sur le fondement du principe selon lequel les politiques gouvernementales qui soutiennent les marchés concurrentiels peuvent accélérer la reprise économique, le Bureau a continué de promouvoir auprès des décideurs politiques les retombées positives des politiques qui favorisent la concurrenceNote de bas de page 8.

Dans le présent mémoire, nous présentons certaines des initiatives de promotion de la concurrence entreprises par le Bureau en vue d'assister les décideurs politiques durant le ralentissement économique et en préparation de la reprise de l'économie canadienne.

Il s'agit premièrement du Guide étape par étape conçu par le Bureau à l'intention des décideurs politiques canadiens en vue de les aider dans l'évaluation de la concurrence. Ce guide a été adressé à plus de 150 décideurs politiques au niveau fédéral, provincial et municipal. Deuxièmement, il s'agit des conseils ciblés adressés par le commissaire ou le Bureau à des décideurs politiques sur des questions susceptibles d'influer sur la relance de l'économie canadienne.

I. Guide pour l'évaluation de la concurrence 

Le 20 août 2020, le Bureau a publié un document de nature technique à l'intention des décideurs politiquesNote de bas de page 9. Ce guide répond aux préoccupations liées au fait que d'une part, dans leurs prises de décisions, les décideurs politiques doivent mettre en perspective divers objectifs de politique au nombre desquels la concurrence n'est pas nécessairement perçue comme prédominanteNote de bas de page 10. D'autre part, en l'absence d'outils appropriés, le décideur politique le mieux intentionné pourrait être limité dans sa capacité à évaluer l'impact de ses décisions sur la concurrence et à agir positivement en vue de réduire un tel impact.

Ce faisant, en sa qualité d'expert de la concurrence, le Bureau s'est engagé à assister les décideurs politiques en leur offrant un outil pratique permettant d'identifier les atteintes à la concurrence et de prendre des mesures positives visant à les atténuer.

Le guide a été conçu autour de l'expérience du Bureau ainsi que des pratiques exemplaires internationales partagées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Réseau international de la concurrence (RIC)Note de bas de page 11. Il s'agit d'un document fonctionnel qui assiste les décideurs dans leur évaluation de la concurrence en répondant aux questions suivantes :

  • Pourquoi est-il si important de préserver la concurrence?
  • Comment les objectifs des politiques peuvent-ils être atteints tout en interférant le moins possible avec la concurrence?
  • Quand les politiques auront-elles l'impact le plus important sur la concurrence et quelles sont les stratégies d'atténuation disponibles?

Pourquoi la concurrence est importante

Le Bureau rappelle que la concurrence est essentielle à la santé économique du Canada en ce qu'elle :

  1. Entraîne une baisse des prix, un plus grand choix pour les consommateurs et des niveaux de qualité plus élevés
    Dans un marché concurrentiel, toute entreprise cherche à maintenir une proposition de valeur au moins aussi attrayante que celle de ses rivales, faute de quoi elle perdra des ventes, verra sa position sur le marché s'effondrer et, éventuellement, quittera le marché. Pour les consommateurs, cela signifie de meilleurs produits à des prix plus abordablesNote de bas de page 12.
  2. Donne du pouvoir aux consommateurs
    Les marchés concurrentiels donnent aux consommateurs le pouvoir de choisir les produits et services qui répondent le mieux à leurs besoins, à un prix qu'ils sont prêts à payer. La concurrence entraîne un plus grand choix et une comparaison plus facile entre les produits et les services, ce qui permet aux consommateurs de faire des choix éclairés et de tenir les entreprises responsablesNote de bas de page 13.
  3. Stimule la productivité, la croissance économique et l'innovation
    Le processus de concurrence entraîne une amélioration continue en veillant à ce que les entreprises qui peuvent produire le plus avec le moins d'intrants prospéreront et en libérant celles qui sont moins bien équipées pour d'autres utilisations productives dans l'économie. Cet effet assure une plus grande productivité économique, ce qui augmente la richesse et le bien-être économique des CanadiensNote de bas de page 14. De plus, les entreprises innovent également davantage lorsqu'elles sont confrontées à une pression concurrentielle accrueNote de bas de page 15.

Comment effectuer une évaluation de la concurrence

Le Bureau rappelle que l'évaluation de la concurrence engage les décideurs politiques à envisager l'effet que les politiques peuvent avoir sur le processus de la concurrence dans une industrie. Comme d'autres évaluations gouvernementales, telles que l'analyse comparative entre les sexes et l'examen des impacts environnementaux, ces évaluations peuvent aider les décideurs politiques à mettre en évidence et à éviter des conséquences involontaires des politiquesNote de bas de page 16.

L'évaluation de la concurrence comprend cinq étapes :

Étape 1 : Définir la politique

Cette étape consiste à déterminer le pourquoi et le comment de l'approche privilégiée par le décideur politique. Cela implique de préciser les objectifs sous-jacents visés et de déterminer le ou les instruments que le décideur politique utilisera pour atteindre ces objectifsNote de bas de page 17.

Étape 2 : Évaluer si la politique a un impact sur la concurrence

Cette étape consiste, pour le décideur politique, à énumérer toute restriction que la politique envisagée imposera au comportement des entreprises et à analyser les effets que son approche pourrait avoir sur la concurrenceNote de bas de page 18. Afin d'aider le décideur politique dans cet exercice, le Bureau rappelle les quatre principaux indicateurs d'un marché concurrentielNote de bas de page 19.

Étape 3 : Trouver des solutions de rechange pour répondre aux objectifs de la politique, le cas échéant

Si l'étape 2 révèle que la politique proposée touche l'un des indicateurs d'un marché concurrentiel, le décideur politique devrait alors se demander si d'autres approches en matière de politiques seraient moins intrusives pour la concurrence ainsi que les forces du marché et évaluer si ces autres méthodes satisferont également leurs objectifs recherchés. Le cas échéant, il devra privilégier ces autres méthodes. En vue de privilégier telles autres méthodes, le décideur politique devrait considérer les caractéristiques des politiques établies à l'étape 2 comme ayant le potentiel de restreindre la concurrence et évaluer si ces restrictions sont :

  1. nécessaires,
  2. étroitement circonscrites et
  3. proportionnellesNote de bas de page 20.

Étape 4 : Mettre en œuvre la meilleure solution

Une fois le décideur politique convaincu d'avoir cerné une politique qui atteint son objectif de la façon la plus favorable à la concurrence, en fonction de la meilleure preuve disponible, il est prêt à faire passer cette politique dans le cours normal de sa mise en œuvreNote de bas de page 21.

Étape 5 : Procéder à une évaluation a posteriori

Il est important que les politiques suivent le rythme rapide du développement économique et de l'évolution technologique, sans quoi on risque que des politiques désuètes exercent un effet négatif sur de nouvelles façons de faire des affaires. Les décideurs politiques peuvent limiter ce risque en s'engageant à revoir régulièrement les politiques existantesNote de bas de page 22.

Par cet outil, le Bureau entend appuyer le changement en faveur d'une culture de la concurrence en offrant aux décideurs politiques un outil pratique les aidant à créer des règles qui favorisent la concurrence. Dans ce sens, la publication de ce guide a été suivie d'une invitation adressée à plus de quatre mille (4 000) organismes de réglementation fédérale pour une mise à l'essai du guide.

II. Conseils stratégiques à l'intention des décideurs politiques

De manière plus ciblée, le Bureau fournit des conseils stratégiques aux décideurs politiques sur des questions susceptibles de favoriser la relance opportune de l'économie canadienne.

Conseils relatifs au renouvellement de la politique monétaire du Canada

Le 1er octobre 2020, dans le cadre de la consultation de la Banque du Canada sur le renouvellement du cadre de conduite de la politique monétaire du Canada, le commissaire a soumis un mémoire dans lequel il a développé sa position selon laquelle « pour exceller le Canada a besoin de plus de concurrence » autour de trois idées maîtresses.

  1. La concurrence réduit les pressions inflationnistes
    Sur le fondement d'études en la matièreNote de bas de page 23, le commissaire rappelle les effets désinflationnistes des processus concurrentiels dans l'économie.

    En effet, la concurrence stimule un accroissement de la valeur économique, puisqu'elle incite les entrepreneurs à repenser tous les aspects d'une entreprise, en mettant au point des produits qui répondent mieux aux besoins des consommateurs, à les produire et à les distribuer plus efficacement, puis à les vendre en utilisant des moyens novateurs et efficaces. Grâce aux processus concurrentiels, les consommateurs obtiennent un meilleur rapport qualité-prix à la fois mesurable et significatif, produisant un effet déflationniste sur l'économie.
  2. La concurrence stimule la productivité
    Le commissaire souligne également la pertinence des études internationales qui établissent un lien entre des niveaux plus élevés de concurrence et un accroissement de l'innovation et de la productivitéNote de bas de page 24.

    En effet, les processus concurrentiels favorisent l'amélioration continue. Les entreprises qui peuvent produire plus en utilisant moins d'intrants remportent du succès, alors que celles qui obtiennent de moins bons résultats doivent assumer d'autres fonctions productives au sein de l'économie. Cet effet permet d'accroître la productivité économique, et conséquemment la richesse et le bien-être économique des Canadiens.
  3. Une culture de la concurrence revitalisera l'économie canadienne
    Enfin, le commissaire réitère que l'économie numérique déstabilise et refaçonne les marchés, et que les autorités du monde entier doivent donc relever une série de nouveaux défis. Pour aider les consommateurs et les entreprises du Canada à prospérer au sein de l'économie numérique, les décideurs politiques ne doivent pas rater les occasions d'encourager la concurrence et l'innovation dans les domaines qui sont importants pour les Canadiens.

Conseils relatifs à l'importance des petites et moyennes entreprises

Le 28 août 2020, le sous-commissaire de la Direction générale de la promotion de la concurrence (le sous-commissaire) a adressé une lettre au Comité permanent des finances et des affaires économiques de l'Assemblée législative de l'Ontario relativement aux mesures prises par le gouvernement de l'Ontario pour déceler et atténuer les obstacles à l'entrée et à la croissance des petites et moyennes entreprises (PME). Dans le contexte de la reprise économique, le sous-commissaire a applaudi une telle initiative.

De fait, considérant le rôle des PME dans l'économie canadienne et l'impact de la crise sanitaire sur leurs activitésNote de bas de page 25, le sous-commissaire rappelle l'importance de lever les barrières à l'entrée ou à l'expansion qui pourraient les empêcher de livrer concurrence.

D'une part, il encourage l'adoption de politiques pro-concurrentielles qui appuient la participation des PME au marché et favorisent le dynamisme et la concurrence au sein de l'économie canadienne.

D'autre part il rappelle qu'à la suite d'un ralentissement économique, ce sont les marchés au sein desquels les entreprises peuvent facilement entrer et croître qui récupéreront le plus rapidement. Les obstacles qui rendent plus difficiles l'entrée et la croissance des entreprises sur le marché diminuent l'intensité de la concurrence et ralentissent la croissance.

Conseils adressés au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie (INDU)

Le 25 mai 2020, le Bureau a présenté un mémoire au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes du Canada (INDU) dans le cadre de son examen de la réponse canadienne à la pandémie de COVID‑19.

Dans ce mémoire, qui fut parmi l'une des premières interventions du Bureau relatives à la reprise économique, le Bureau a partagé sa perspective du rôle des marchés concurrentiels dans la reprise économique du Canada, ce tant en matière d'application de la loi que de promotion de la concurrence.

Relativement à la promotion de la concurrence, le Bureau a clairement envoyé le message selon lequel les gouvernements peuvent contribuer à une reprise rapide de l'économie canadienne en renforçant une forte culture de la concurrence, qui incite les entreprises à croître et innover en permettant également à l'économie canadienne d'exploiter pleinement son avantage concurrentiel.

Conclusion

Considérant les avantages de la concurrence en tout temps, et encore plus en temps de relance économique, le Bureau a amplifié son message autour de l'importance de bâtir une culture de la concurrence au CanadaNote de bas de page 26, ce à travers la mise en application de la Loi et la promotion de politiques pro-concurrentielles auprès de décideurs politiques canadiens, en particulier dans des secteurs clés de l'économie canadienne.

Dans ce sens, le Bureau a récemment initié une consultation publique en vue d'une étude de marché du secteur des soins de santé au Canada, qui devrait permettre de formuler des recommandations opportunes, fondées sur des données probantes, des avantages de politiques favorables à la concurrence dans le secteur.

De fait, la pandémie de COVID19 a mis en évidence l'importance des solutions numériques pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de soins de santéNote de bas de page 27. Il importe que les mesures prises pour offrir aux Canadiens des solutions de soins de santé numériques pendant la pandémie favorisent le développement et le déploiement de solutions numériques au-delà de la crise sanitaire.