Mémoire du Bureau de la concurrence en réponse à la Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour l’intelligence artificielle et l’Internet des objets

Débloquer la concurrence

Le 28 septembre 2021

Table des matières

I.   Aperçu

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») est heureux de présenter ce mémoire en réponse à la Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour l’intelligence artificielle et l’Internet des objets (« document de consultation »)Footnote 1 d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (« ISDE »).

En bref, le présent mémoire appuie certaines modifications à la Loi sur le droit d’auteur pour permettre la réparation des dispositifs de l’Internet des objets (« IdO ») et l’interopérabilité entre ceux-ci. De telles mesures pourraient rendre la tâche de réparer les dispositifs IdO plus facile et moins coûteuse pour les Canadiens et permettre à un plus grand nombre de petites et moyennes entreprises d’offrir des produits et services nouveaux et innovateurs.

II.   Introduction

Les dispositifs IdO ont le potentiel de révolutionner les marchés à l’échelle du pays. Qu’il s’agisse de capteurs qui permettent aux agriculteurs de mesurer la topographie et la qualité du sol de leurs champs, ou encore d’un réfrigérateur intelligent qui vous permet de commande en ligne les articles dont vous êtes à court, les dispositifs IdO ont des répercussions de plus en plus importantes sur le fonctionnement des entreprises et sur la façon dont les Canadiens vaquent à leurs occupations quotidiennes.

La transition vers des dispositifs IdO munis de logiciels a d’importantes implications pour les droits de propriété intellectuelle (« PI »). Les fabricants d’équipement d’origine (« FEO ») utilisent des mesures techniques de protection pour empêcher l’accès au logiciel sous-jacent d’un dispositif IdO, ce qui protège leur PI. Les mesures techniques de protection ajoutent une couche de protection au-delà de la protection juridique assurée par les lois existantes sur le droit d’auteur, et le contournement de ces mesures, à quelques exceptions près, est interdit en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.

Toutefois, le cadre des mesures techniques de protection soulève des difficultés non envisagées au moment de leur introduction, y compris des défis liés à la concurrence. Notamment, les mesures techniques de protection peuvent restreindre les activités légitimes ne portant pas atteinte au droit d’auteur telles que les réparations et l’habilitation de l’interopérabilité, ce qui peut avoir un effet dissuasif sur la concurrence et l’innovation. Cela a attiré énormément d’attention sur ce qui est communément appelé le « droit à la réparation », au Canada et ailleurs.

Le Bureau, en tant qu’organisme d’application de la loi indépendant, veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur. Dans le cadre de son mandat, le Bureau fait la promotion et se porte à la défense des avantages de la concurrence selon le principe directeur que la concurrence est la meilleure façon d’améliorer les choix, de faire baisser les prix et de stimuler l’innovation dans l’économie canadienne.

Le présent mémoire examinera les dispositions liées aux mesures techniques de protection de la Loi sur le droit d’auteur qui pourraient nuire à la concurrence sur le marché en limitant les réparations et l’interopérabilité, et discutera de la manière dont les modifications législatives proposées peuvent favoriser la concurrence et l’innovation. En particulier, le Bureau appuie la modification des dispositions de la Loi sur le droit d’auteur sur les mesures techniques de protection afin d’y introduire les exceptions explicites suivantes visant les réparations et l’interopérabilité.

  • Une exception pour faciliter les réparations : cette exception s’appliquerait aux propriétaires de dispositifs IdO et aux entreprises de service indépendantes qui exercent des activités de contournement ne portant pas atteinte au droit d’auteur à des fins de dépannage, d’entretien ou de réparation de dispositifs IdO munis de logiciels embarqués.
  • Une exception modifiée pour permettre l’interopérabilité : cette modification clarifierait les choses pour les entreprises souhaitant assurer l’interopérabilité entre dispositifs IdO.

Prises ensemble, ces mesures proconcurrentielles en matière de politiques peuvent réduire les obstacles à l’accès aux marchés secondaires – en particulier pour les petites et moyennes entreprises –, stimuler les innovations subséquentes et donner plus de choix aux Canadiens.

III.   Exception aux mesures techniques de protection à des fins de réparation

Les Canadiens ont dépensé plus de 12 milliards de dollars en services de réparation et d’entretien en 2020Footnote 2. Les services de réparation touchent presque tous les secteurs de l’économie, de l’équipement agricole aux appareils électroménagersFootnote 3. Les produits d’usage courant étant de plus en plus munis de logiciels embarqués et d’éléments protégés par le droit d’auteur, la crainte grandit que le cadre actuel des mesures techniques de protection entrave la capacité des entreprises de service indépendantes d’accéder aux logiciels sous-jacents nécessaires au dépannage et à la réparation de ces produitsFootnote 4.

Les interdictions actuelles contre le contournement des mesures techniques de protection limitent la capacité des consommateurs et des entreprises de service indépendantes d’entretenir et de réparer les dispositifs IdOFootnote 5. Les mesures techniques de protection empêchent les tiers, y compris le propriétaire du dispositif et les réparateurs indépendants, d’accéder aux données de réparation embarquées (telles que les données de dépannage), ainsi que de lire et d’interpréter les codes de défaillanceFootnote 6. Les mesures techniques de protection peuvent également bloquer l’installation adéquate de pièces de tierces partiesFootnote 7.

L’élimination des obstacles qui entravent la capacité des entreprises de service indépendantes de réparer les dispositifs IdO peut engendrer un certain nombre d’avantages proconcurrentiels au chapitre des réparations et des marchés secondaires. La réduction des obstacles qui entravent l’accès au secteur de la réparation peut donner lieu à plus de choix, de meilleurs prix et des services de meilleure qualité, puisque les propriétaires de dispositifs IdO disposeraient du choix additionnel de l’autoréparation ou de faire faire les réparations par un plus grand nombre de tiers. Une plus grande diversité d’options de réparation pourrait être particulièrement avantageuse pour les consommateurs et les entreprises dans les régions rurales et éloignées, qui sont parfois confrontés à de longs délais et à un accès plus difficile à un réparateur autorisé du FEO que ceux dans les régions urbainesFootnote 8. Par exemple, un fermier qui est confronté à des délais dans la réparation d’équipements agricoles au plus fort de la récolte pourrait subir une perte de revenus considérableFootnote 9. La réduction des obstacles à l’installation de pièces de tiers peut également accroître la disponibilité et réduire le prix des pièces de rechange, permettant aux consommateurs de prolonger la durée de vie de leurs produits et équipements.

Compte tenu de ces avantages favorables à la concurrence, le Bureau appuie l’introduction d’une exception aux mesures techniques de protection pour faciliter la réparation de dispositifs IdO munis de logiciels embarqués. Pour maximiser les avantages aux consommateurs et entreprises, l’exception devrait s’appliquer aux propriétaires de dispositifs et aux entreprises de service indépendantes qui exercent des activités de contournement ne portant pas atteinte au droit d’auteur à des fins de dépannage, d’entretien ou de réparation de dispositifs munis de logiciels embarqués.

Comme il est mentionné dans le document de consultation, la modification du cadre du droit d’auteur pour créer une exception à l’interdiction du contournement des mesures techniques de protection à des fins de réparation ne s’attaquera pas pleinement à tous les obstacles à la réalisation de réparations. Le droit contractuel et les lois de protection du consommateur en ce qui a trait aux garanties et à l’accès aux pièces de rechange constituent bien souvent aussi des obstacles pour les consommateurs et les entreprises de service indépendantes qui souhaitent dépanner et réparer un dispositif. Toutefois, des modifications au cadre du droit d’auteur peuvent être une étape nécessaire et s’ajouter à d’autres efforts, notamment l’application de la Loi sur la concurrenceFootnote 10 et les modifications législatives au niveau provincial et territorial, telles que celles actuellement à l’étude au QuébecFootnote 11.

On trouve ci-dessous une évaluation des options disponibles décrites dans le document de consultation. L’évaluation applique une lentille de la concurrence à chaque option, dans le but de :

  1. créer des règles du jeu équitables entre entreprises de service indépendantes et réparateurs retenus par les FEO;
  2. offrir des choix aux propriétaires de dispositifs IdO pour permettre l’autoréparation ou la réparation par un tiers de prédilection;
  3. permettre l’utilisation de dispositifs IdO munis de pièces de rechange non fournies par des FEO.

Exception en vertu du paragraphe 41.21(1) de la Loi sur le droit d’auteur

Le paragraphe 41.21(1) de la Loi sur le droit d’auteur prévoit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire à l’application de l’article 41.1 toute mesure technique de protection ou catégorie de mesures techniques de protection s’il estime que l’application de ces interdictions diminuerait indûment la concurrence sur le marché secondaire.

L’utilisation de ce pouvoir de réglementation comporte un certain nombre d’avantages possibles. En vertu du paragraphe 41.21(1) de la Loi sur le droit d’auteur, une exception pourrait s’appliquer aux activités de contournement de propriétaires de dispositifs et de tiers. Cela permettrait au gouverneur en conseil d’éliminer un important obstacle aux réparations effectuées par les entreprises de service indépendantes. Si le gouverneur en conseil estime que cela est approprié, il pourrait également appliquer l’exception à la fabrication, l’importation, la distribution, l’offre en vente ou en location ou la fourniture – notamment par la vente ou la location – de technologies, de dispositifs ou de composants de contournement dans le but de dépanner, d’entretenir ou de réparer des dispositifs.

En vertu de ce pouvoir réglementaire, le Parlement a accordé un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 12 au gouverneur en conseil:

  1. relativement à l’évaluation des restrictions indues à la concurrence dans le secteur du marché secondaire où les mesures ou catégories de mesures techniques de protection sont utilisées;
  2. relativement aux mesures ou catégories de mesures techniques de protection qui seraient exclues de l’application de l’article 41.1.

1) Évaluation des restrictions « indues » à la concurrence dans le secteur du marché secondaire où des mesures ou catégories de mesures techniques de protection sont utilisées

L’évaluation d’une restriction « indue » à la concurrence dans le cadre de la Loi sur la concurrence peut souvent exiger une analyse approfondie au cas par cas fondée sur une analyse économique complexeNote de bas de page 13. Une telle évaluation peut être longue et coûteuse en ressources. Toutefois, diverses approches à l’évaluation de la concurrence dans le marché de la réparation ont été utilisées ailleurs dans le monde dans d’autres contextes. Par exemple, une étude récente sur le « droit de réparer » de l’Australian Productivity Commission (« APC ») a utilisé une approche largement qualitative pour évaluer la concurrence dans le marché de la réparation selon les critères d’évaluation suivantsNote de bas de page 14 :

  • Y a-t-il des preuves que la concurrence dans le marché de la réparation est restreinte?
    • Des mesures de haut niveau indiquent un manque de concurrence (concentration, entraves à l’accès au marché, marges bénéficiaires)
    • Des cas précis de fabricants qui restreignent la concurrence (limites sur l’accès par des tiers aux pièces de rechange)
  • Y a-t-il un tort exercé envers les consommateurs?
    • Les consommateurs sont « bloqués » à l’égard du marché de la réparation (coûts élevés pour changer de fournisseur)
    • Les consommateurs ont des difficultés à estimer le coût des réparations (manque d’information, complexité)
    • Le marché de la réparation est important (relativement au marché primaire)
    • Les fabricants ont des intérêts financiers dans le marché de la réparation (réparation en interne, contrats)
    • Les consommateurs ne bénéficient pas en contrepartie de prix plus bas sur le marché primaire
    • Conséquences négatives non liées au prix pour les consommateurs (choix réduits, inconvénients)

Si le gouverneur en conseil détermine qu’une mesure ou catégorie de mesures techniques de protection restreint indûment la concurrence dans un marché secondaire donné, il devra évaluer le risque qu’une exception pourrait faire peser sur d’autres objectifs en matière de politiques au regard des avantages favorables à la concurrence. Là où c’est possible, les avantages favorables à la concurrence devraient être maximisés tout en réalisant d’autres objectifs en matière de politiquesNote de bas de page 15. Les objectifs en matière de politiques qui pourraient être mis en cause par une exception aux mesures techniques de protection visant les réparations, ainsi que les considérations sur la manière de les préserver tout en faisant la promotion d’une concurrence accrue, sont détaillés ci-dessous.

  • Innovation : les participants au marché pourraient relever l’importance d’une protection vigoureuse de la PI pour favoriser l’innovationNote de bas de page 16. Pour préserver l’innovation, des exceptions pour contourner les mesures techniques de protection à des fins de réparation devraient être retenues pour des raisons qui ne portent pas atteinte au droit d’auteur. Autrement dit, le régime du droit d’auteur continuerait de s’appliquer aux œuvres protégées par les mesures techniques de protection, notamment les logiciels embarquésNote de bas de page 17.
  • Sécurité : les participants au marché pourraient avancer que les restrictions sur les réparations protègent les réparateurs et les consommateurs de blessures qui pourraient résulter de la réparation ou de l’utilisation d’un produit inadéquatement réparéNote de bas de page 18. Aussi sérieuse que soit cette préoccupation, elle doit être évaluée en fonction de preuves, fondées sur des données, établissant le type et la prévalence des problèmes de sécurité. Dans un examen récent des pratiques anticoncurrentielles liées aux marchés de la réparation, en dépit des affirmations selon lesquelles les restrictions sur les réparations sont nécessaires pour des raisons de sécurité et de sûreté, la Federal Trade Commission (« FTC ») des États-Unis a trouvé « peu de preuves à l’appui des justifications des FEO en faveur des restrictions sur les réparations »Note de bas de page 19. En outre, l’expérience du secteur de la réparation automobile a démontré que les consommateurs et les entreprises de service indépendantes ont été en mesure de réparer des machines complexes telles que les voitures en toute sécuritéNote de bas de page 20.
  • Cybersécurité : les restrictions sur les réparations peuvent être justifiées comme moyen de protéger les consommateurs contre les risques de cybersécuritéNote de bas de page 21. À l’instar des préoccupations quant à la sécurité, de telles affirmations doivent être évaluées en fonction de preuves. Par exemple, la FTC n’a trouvé aucune preuve empirique qui laisse entendre que les entreprises de service indépendantes sont plus ou moins susceptibles que les ateliers de réparation autorisés de compromettre les données clients ou d’en faire un usage abusifNote de bas de page 22.
  • Responsabilité : les FEO pourraient avancer qu’ils s’exposent à des poursuites ou risquent d’entacher leur réputation si les entreprises de service indépendantes effectuent des réparations défaillantes et un tel fardeau constitue une conséquence injuste de la levée des restrictions sur les réparations. Toutefois, les données pour étayer les affirmations sur l’exposition à des poursuites ou sur le risque de préjudice à la réputation sont raresNote de bas de page 23. Par rapport à la machinerie agricole, l’Australian Competition and Consumer Commission (« ACCC ») a souligné que ce type d’argument pesait moins lourd lorsqu’un dispositif avait dépassé sa période de garantie, puisque l’acheteur est pleinement responsable de l’entretien du dispositif et de tous coûts entraînés par des travaux ou des pièces de qualité inférieureNote de bas de page 24. De plus, même si la machinerie est sous garantie, l’acheteur peut effectuer des travaux à ses fraisNote de bas de page 25. Comme ce sont les acheteurs qui assument les coûts associés aux services de réparation, ils devraient pouvoir choisir le réparateur.

2) Les mesures ou catégories de mesures techniques de protection qui seraient exclues de l’application de l’article 41.1

En vertu du paragraphe 41.21(1) de la Loi sur le droit d’auteur, les mesures ou catégories de mesures techniques de protection qui seraient exclues de l’application de l’article 41.1 sont celles qui selon le gouverneur en conseil limiteraient indûment la concurrence dans le secteur du marché secondaire où ces mesures sont utilisées si cet article était appliqué.

Il y a une grande variété de technologies utilisées comme mesures techniques de protection pour protéger les œuvres protégées par le droit d’auteurNote de bas de page 26. Elles sont souvent classées selon leur fonction : les mesures techniques de protection qui contrôlent l’accès aux œuvres, et celles qui contrôlent l’utilisation des œuvresNote de bas de page 27. Toutefois, cette classification pourrait être illusoire puisque les mesures techniques de protection présentent souvent les deux caractéristiquesNote de bas de page 28. Ceci complique la tâche des législateurs qui pourraient souhaiter conférer une protection anti-contournement à une catégorie de mesures techniques de protection, mais pas à l’autreNote de bas de page 29.

Pour rendre les règles du jeu plus équitables entre les réparateurs retenus par le FEO et les entreprises de service indépendantes, ainsi qu’offrir un plus grand choix aux consommateurs, il importe d’identifier le type de mesures ou catégories de mesures techniques de protection qui empêchent l’accès aux logiciels embarqués à des fins de dépannage, d’entretien ou de réparation de dispositifs.

Exception en vertu du paragraphe 41.21(2) de la Loi sur le droit d’auteur

L’alinéa 41.21(2)a) permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements pour prévoir des circonstances additionnelles dans lesquelles l’interdiction de contourner une mesure technique de protection, prévue à l’alinéa 41.1(1)a), ne s’applique pas, compte tenu d’un certain nombre de critères. L’utilisation de ce pouvoir de réglementation exempterait l’acte de contourner une mesure technique de protection au sens de la Loi sur le droit d’auteur.

Toutefois, le pouvoir de réglementation établi à l’alinéa 41.21(2)a) de la Loi sur le droit d’auteur ne s’étend pas à l’alinéa 41.1(1)b) de cette même loi, lequel s’applique aux personnes offrant des services au public ou des services liés au contournement de mesures techniques de protection, tels qu’offerts par les entreprises de service indépendantesNote de bas de page 30. Par conséquent, cette exception pourrait n’offrir une protection qu’aux propriétaires de dispositifs qui ont les connaissances et les capacités de contourner les mesures techniques de protection sur leurs propres dispositifs. Elle ne protégerait pas les tiers, tels que les entreprises de service indépendantes, qui contourneraient les mesures techniques de protection à des fins de réparationNote de bas de page 31. Les propriétaires de dispositifs qui n’ont pas les connaissances et les capacités de contourner les mesures techniques de protection sur leurs propres dispositifs ne pourraient pas se prévaloir de cette exception. Ils seraient incapables d’obtenir la technologie nécessaire, puisque le pouvoir de réglementation ne s’étend pas à l’alinéa 41.1(1)c) de la Loi sur le droit d’auteur, lequel s’applique à la fabrication, l’importation, la distribution, l’offre en vente ou en location ou la fourniture – notamment par la vente ou la location – de technologies, de dispositifs ou de composants.

Exception en vertu des pouvoirs législatifs

Au-delà du pouvoir de prendre des règlements en vertu de l’article 41.21 de la Loi sur le droit d’auteur, de nouvelles exceptions législatives pourraient également être proposées pour permettre le contournement ne portant pas atteinte au droit d’auteur à l’égard de mesures techniques de protection à des fins de réparation. Cette approche pourrait mériter d’être explorée en fonction des objectifs en matière de politiques. Par exemple, une exception législative visant l’autoréparation et la réparation par un tiers pourrait être créée, si on estime qu’elle est fondée.

IV.   Exception aux mesures techniques de protection à des fins d’interopérabilité

Le nombre de dispositifs IdO devrait atteindre 43 milliards mondialement d’ici 2023Note de bas de page 32. Au fur et à mesure que le nombre de dispositifs IdO augmente, l’interopérabilité devient une difficulté clé à la réalisation de leur plein potentiel économique et socialNote de bas de page 33. L’interopérabilité peut également être un facteur d’habilitation clé pour favoriser des marchés concurrentiels. Elle peut également permettre aux entreprises de miser sur des produits et services existants pour développer de nouvelles innovations et faciliter la tâche des consommateurs de passer d’un produit ou service à l’autre, en emportant leurs données avec eux.

Comme il est établi dans le document de consultation, en reconnaissance des avantages publics de faciliter l’interopérabilité au chapitre de l’innovation et de la concurrenceNote de bas de page 34, la Loi sur le droit d’auteur établit une exception aux mesures techniques de protection pour l’interopérabilité des logicielsNote de bas de page 35. Toutefois, les participants au marché suggèrent que l’exception touchant les mesures techniques de protection n’est pas assez claire sur le plan juridique quant à la manière dont « l’interopérabilité » est définie et quant à savoir si l’exception s’applique à l’interopérabilité entre programmes qui ne sont pas des programmes d’ordinateur. Ils avancent que ceci freine la concurrence et l’innovationNote de bas de page 36.

La capacité des entreprises d’offrir des produits et services supplémentaires pour un dispositif IdO est tributaire de l’interopérabilitéNote de bas de page 37. L’incapacité de contourner légalement les mesures techniques de protection pour assurer l’interopérabilité peut créer d’importants obstacles d’accès au marché pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, qui souhaitent développer des produits ou services complémentaires pour les dispositifs IdO. De tels obstacles peuvent réduire la concurrence en limitant le nombre de produits et services complémentaires disponibles sur le marché de l’IdO, en plus de nuire à l’innovation à long terme en exerçant un effet dissuasif sur les entreprises en démarrageNote de bas de page 38.

L’incapacité des entreprises de contourner légalement les mesures techniques de protection pour assurer l’interopérabilité peut également créer des obstacles aux changements technologiques des clients. Le fait que les données stockées sur un dispositif IdO ne puissent pas être migrées vers un dispositif concurrentiel peut engendrer des coûts de changement technologique liés aux données, en particulier pour les dispositifs IdO qui utilisent des technologies telles que l’apprentissage machine où l’importance des données historiques est plus grandeNote de bas de page 39. Cet effet de « blocage » peut freiner la concurrence, mener à l’enracinement de produits et services de qualité inférieure et dissuader des concurrents nouveaux d’accéder à un marché où les exploitants existants sont richement dotés de données, en raison d’une incapacité à prendre leur essorNote de bas de page 40. Cela peut également nuire à la portabilité des données et accroître les coûts de changements technologiques pour les consommateurs.

En permettant aux entreprises de contourner légalement les mesures techniques de protection pour assurer l’interopérabilité, on peut accroître la concurrence entre produits et services complémentaires destinés aux dispositifs IdO, ce qui peut entraîner plus de choix et des prix plus bas pour les consommateurs. Cela peut également stimuler l’innovation en permettant à un plus grand nombre d’entreprises de compétitionner pour offrir aux utilisateurs des produits et services de meilleure qualité et une fonctionnalité accrueNote de bas de page 41. Le fait de réduire les obstacles à l’interopérabilité peut atténuer les effets de « blocage » en permettant aux utilisateurs de passer d’un dispositif à un autre sans perdre leurs données historiques, et permettre aux consommateurs de choisir les produits et services complémentaires ou supplémentaires qui répondent le mieux à leurs besoins.

Exception en vertu du paragraphe 41.12(1) de la Loi sur le droit d’auteur

Le Bureau appuie la modification de l’exception aux mesures techniques de protection visant l’interopérabilité en vertu du paragraphe 41.12(1) de la Loi sur le droit d’auteur pour fournir des éclaircissements aux participants de l’industrie qui souhaitent se prévaloir de l’exception. La certitude et la prévisibilité en matière de réglementation sont des facteurs d’habilitation clés de l’innovation. Si les entreprises n’ont pas confiance en leur capacité d’exercer leurs activités sur une base juridique sûre, elles ne s’aventureront pas dans des activités innovantes potentiellement coûteuses et risquéesNote de bas de page 42. Ceci pourrait avoir un effet particulièrement dissuasif sur les petits innovateurs, qui se laissent peut-être plus facilement dissuader de prendre des risques en matière d’innovation. Un éclaircissement de l’exception aux mesures techniques de protection peut offrir une plus grande certitude aux entreprises quant aux circonstances dans lesquelles elles peuvent se prévaloir légalement de l’exception. Ceci peut donner aux entreprises la confiance et la clarté juridique dont elles ont besoin pour développer des produits et services interopérables en conformité avec l’exception, en plus d’offrir aux consommateurs l’avantage d’un plus grand choix de produits et services que ces entreprises vont offrir sur le marché.

L’exception actuelle aux mesures techniques de protection visant l’interopérabilité, qui fait référence à l’interopérabilité des programmes d’ordinateur, peut limiter la capacité des entreprises de se prévaloir de l’exception pour assurer l’interopérabilité entre deux systèmes qui ne sont pas définis comme des programmes d’ordinateur. La modification de la définition de l’interopérabilité pour refléter les systèmes, logiciels et produits pertinents sur le marché de l’IdO de l’ère moderne peut favoriser une concurrence et une innovation accrues dans ces marchés. À ce titre, le Bureau appuie la modification de la définition de l’interopérabilité pour tenir compte des réalités actuelles du marché, en fonction des propositions des participants au marché.

Bien qu’il y ait des avantages manifestes à permettre une interopérabilité accrue, ceux-ci devront peut-être être évalués au regard d’autres considérations politiques liées à l’innovation, la fiabilité, la sécurité et la protection de la vie privée. Par exemple, les preuves soumises dans le cadre de la présente consultation pourraient démontrer qu’une exception élargie pourrait présenter des risques liés à l’innovation, la fiabilité, la sécurité et la protection de la vie privée pour certaines utilisations ou dans certains secteurs. Dans de tels cas, il pourrait être indiqué de circonscrire des utilisations ou des secteurs pour lesquels l’exception ne s’appliquerait pas. Toutefois, comme il a été dit dans la section précédente sur les réparations, lorsque les participants au marché proposent qu’une exception ne doive pas s’appliquer à une certaine utilisation ou un certain secteur en raison des risques allégués, de telles justifications doivent être étayées par des preuves. Les questions liées à l’innovation, la fiabilité, la sécurité et la protection de la vie privée peuvent présenter des risques légitimes; toutefois, elles ne devraient pas servir de prétexte pour protéger les entreprises d’une concurrence légitime.

Enfin, les exceptions visant l’interopérabilité devraient être examinées régulièrement pour tenir compte de l’évolution de la technologie. Les marchés de l’IdO évoluent rapidement et les modèles d’affaires perturbateurs et les avancements technologiques peuvent rapidement changer le paysage concurrentiel et l’expérience client. Il est essentiel que les exceptions suivent le rythme rapide de l’évolution des marchés de l’IdO pour éviter d’entraver de nouvelles façons de faire des affaires. Un tel examen pourrait avoir lieu dans le cadre de l’examen législatif prévu de la Loi sur le droit d’auteur.

V.   Conclusion

L’incapacité de contourner légalement les mesures techniques de protection à des fins légitimes ne portant pas atteinte au droit d’auteur, par exemple pour des réparations ou pour assurer l’interopérabilité, peut réduire les choix pour les consommateurs et créer d’importants obstacles aux entreprises qui veulent compétitionner sur les marchés en aval et complémentaires. Étant donné les avantages proconcurrentiels pour les consommateurs et les entreprises, le Bureau soutient l’introduction d’une exception qui s’applique aux propriétaires de dispositifs IdO et aux entreprises de service indépendantes pour faciliter les réparations. Le Bureau appuie également la modification de l’exception aux mesures techniques de protection visant l’interopérabilité afin de fournir des éclaircissements aux entreprises qui souhaitent se prévaloir de l’exception pour assurer l’interopérabilité entre dispositifs IdO. Prises ensemble, ces mesures proconcurrentielles proposées en matière de politiques peuvent rendre les marchés de l’IdO et complémentaires plus concurrentiels en favorisant l’accès et l’expansion de petites et moyennes entreprises et en réduisant le « blocage », permettant d’accroître la concurrence, de réduire les prix et de favoriser l’innovation.